Diane Thomas et Yoann Chuffart, délégués généraux de la Fédération NAVSA font un point précis sur les grands enjeux et nécessités pour la profession. A l’heure où rien n’est encore certain (reprise ou nouvelle période difficile) ils appellent eu égard aux résultats et aux travaux menés par l’instance syndicale professionnelle de la DA à une cohésion professionnelle, un regroupement des bonnes volontés pour continuer la défense des intérêts de tous.  

food&coffeemarkets : Comment percevez-vous avec un peu de recul la reprise de l’activité vending ?

Diane Thomas : Nos enquêtes nationales conduites en 2020 et en 2021 auprès des entreprises du secteur sur la situation de l’activité en DA et notre propre analyse des risques (suffisamment fine compte tenu de notre position dans l’environnement politique et institutionnel) nous ont amenées à envisager dès la fin de l’année 2020, une baisse structurelle de celle-ci de l’ordre de 20%, qui tend à se confirmer en raison notamment du maintien du télétravail (particulièrement répandu dans les métropoles). En effet, si la « reprise » est actée, dans notre secteur, en France et en Europe, il est désormais avéré que les gestionnaires ne retrouveront pas leur niveau d’activité d’avant crise. Et toute une série de facteurs explique cela, qui n’ont plus rien de conjoncturels. Mais là encore, les gestionnaires ne sont pas égaux entre eux : certains, plus épargnés que d’autres en raison de la configuration de leur parc ou de leur situation géographique (ou encore de la conjugaison de ces deux facteurs), recouvreront 95% de leur niveau d’activité ante-covid, tandis que d’autres atteindront péniblement les 80%. L’Île-de-France reste ainsi la région la plus sinistrée pour l’activité, également en raison du développement important du télétravail pour les franciliens… Aussi est-il important de rappeler que la « reprise » ne signifie nullement un « retour à la normale ». Notons toutefois que, dans cette nouvelle configuration qui s’impose à l’activité, l’OCS progresse en lieu et place du free standing. Enfin, la baisse structurelle que nous constatons peut parfaitement trouver à être compensée et des acteurs de la D.A, de toute taille, y travaillent déjà… C’est le moment pour les Gestionnaires de repenser leur métier, puiser dans leurs ressources et se réinventer.

food&coffeemarkets : Navsa a beaucoup travaillé pour accompagner les professionnels pendant ces deux dernières années. Quel est votre bilan et votre sentiment sur les effets de cet accompagnement ?

Diane Thomas : Les adhérents, industriels comme gestionnaires, témoignent de plus en plus leur reconnaissance à l’égard de la Fédération et entérinent ainsi leur engagement dans la vie fédérale. Incontestablement, les crises et, évidemment, le tournant qui a été pris en 2019 dans la stratégie fédérale en matière d’influence, ont changé le regard des entreprises sur leur organisation professionnelle. En premier lieu, il est certain que les crises ont accru le besoin des entreprises d’être bien informées, utilement aidées et unies pour affronter ensemble les difficultés. En second lieu, les crises ont donné à sentir aux entreprises toute l’importance d’être partie prenante de la décision publique et ont suscité en elles – plus que jamais – le désir d’être reconnues et entendues. Nos premiers succès, en 2019, ont provoqué une prise de conscience des entreprises du secteur sur le rôle-clé que peut jouer leur organisation professionnelle dans le processus de décision politique. Nous avons répondu là, sans doute, à une attente forte de la part des chefs d’entreprise. Et nous avons ainsi fait de la défense des intérêts de la Profession le credo de la Fédération, désormais présente sur tous les fronts. Cela est très bien perçu par les adhérents, qui s’en félicitent. Et même par un grand nombre d’entreprises qui n’adhèrent pas à la Fédération mais qui reconnaissent volontiers tout le bénéfice qu’elles tirent de notre travail : puissent-elles alors en tirer les conclusions qui s’imposent et adhérer bientôt ! D’ailleurs, notre gestion de la crise liée à l’épidémie de « Covid-19 » et l’ouverture de nos services à l’ensemble des entreprises du secteur en 2020, nous a valu de nouveaux adhérents en 2021. Nous espérons que la dynamique se poursuive en 2022… Il est d’ailleurs envisagé par le Président de réunir la Profession au printemps 2022 pour un événement qui se voudra fédérateur.

food&coffeemarkets : La pandémie semble avoir remis le/les distributeurs automatiques sur le devant de la scène… est-ce selon vous un point positif ?

Yoann Chuffart : La pandémie a d’abord eu pour conséquence de désigner la machine comme un danger… Et toute notre action en 2020 – et dans une moindre mesure en 2021 – a consisté à « réhabiliter » la distribution automatique, victime de la peur ambiante comme du battage médiatique – avec son lot d’approximations et d’inexactitudes – autour de « l’obligation de sécurité » de l’employeur. Le consommateur, dans les lieux publics ou ouverts au public comme en entreprise, a donc été durablement éloigné de la machine, soit à la suite du « choc psychologique » provoqué par la communication en boucle autour de la diffusion manuportée du virus, soit à la suite de la mise en œuvre de mesures sanitaires élaborées « à la va-vite », dans l’urgence, sans aucune évaluation pertinente des risques et, par conséquent, assez souvent incohérentes : par exemple, certains protocoles proscrivaient l’utilisation de la « machine à café » au motif qu’il convenait de limiter les contacts avec les surfaces et d’éviter les rassemblements quand, dans le même temps, rien n’était prévu pour l’utilisation par le personnel du matériel en circulation dans l’entreprise et que le personnel continuait de s’entasser dans les ascenseurs… À ce moment-là, nous avons également pointé une contradiction majeure dans la position des autorités publiques, qui validaient une par une des « fiches-métier » recommandant la « condamnation » de nos machines : s’il s’agissait de limiter le risque lié au « contact avec les surfaces » et aux « rassemblements », alors il aurait dû être question d’interdire toute activité de vente sur place, y compris alimentaire, mettions-nous alors en avant ! En effet, ce n’est pas la machine elle-même, poursuivions-nous, qui devrait être mise en cause mais l’usage qui en est fait et l’environnement dans lequel elle est « pratiquée », deux facteurs qui peuvent parfaitement être contrôlés par les entreprises clientes elles-mêmes, en lien avec l’entreprise exploitante. Nous rappelions aussi que les gestionnaires d’appareils délivrent une prestation alimentaire, qui plus est sans contact humain. Et nous avons fait mouche ! En mai, après un mois et demi de négociations acharnées avec le ministère du Travail, nous avons obtenu la suppression de la recommandation de « condamnation » des machines dans l’ensemble des « fiches-métier » et avons pu faire valider, dans le « protocole national », l’utilisation de nos machines dans le cadre du « déconfinement ». Tout cela pour expliquer que la crise a d’abord « condamné » le distributeur automatique. Peu à peu, une réflexion a néanmoins débuté autour des possibilités offertes par la D.A dans une période comme celle-ci : s’est à nouveau fait jour l’idée que la prestation sans contact humain peut être un atout et le développement des paiements sans contact une solution d’avenir portée par le distribution automatique, de même que la garantie d’un service « 24/24, 7/7 » et, évidemment, la possibilité de proposer dans un automate ou via un système automatisé une variété de produits encore à explorer. La crise sanitaire a ainsi été l’occasion de repenser le service, au sens large, dans une société qui a éprouvé les limites d’un modèle… Elle a aussi remis à l’honneur la préoccupation d’hygiène et, partant, interroge à nouveau sur l’usage unique. Pour ces deux batailles, la D.A doit reconnaître ses forces et en tirer avantage.

food&coffeemarkets : L’actualité reste « chaude » pour les professionnels avec la problématique gobelet en carton et la pénurie qui se confirme, quelles sont les marges de manœuvre de la profession sachant que c’est le gouvernement et le législateur qui restent la clé d’une solution même temporaire ? Une issue par le haut vous semble-t-elle atteignable ?

Yoann Chuffart : Le Ministère de la Transition écologique (MTE) campe sur sa position : la transition a été votée et sa mise en œuvre réglementaire achevée, elle doit donc s’opérer coûte que coûte. Or nous sommes arrivés à la situation de crise que nous avions décrite exactement, mais sans succès, au gouvernement en 2019 puis en 2020 lorsque nous sollicitions un délai de 3 à 5 ans pour opérer la transition afin d’éviter notamment toute distorsion entre l’offre et la demande. Nul besoin alors d’être grand clerc pour prévoir que le basculement du plastique vers le carton pour un nombre important de produits de grande consommation, allait susciter de vives tensions sur le marché… A fortiori lorsque, dans le même temps, d’autres Etats, au sein du marché commun européen, prennent la même direction (sans forcément en passer par la contrainte légale ou réglementaire) et, surtout, que la directive « SUP » impose aux Etats membres d’interdire la mise sur le marché de certains produits en plastique et de réduire la consommation de certains autres ! En octobre, nous avons néanmoins obtenu du MTE, au regard de la situation, que l’échéance du « 15% » de plastique fixée dans l’arrêté soit reportée du 03 juillet 2021 au 01er janvier 2022, ce qui offre la possibilité aux industriels de remettre sur le marché national des gobelets composés partiellement de plastique sans limite de taux (<100%), et ce jusqu’au 31 décembre, et aux gestionnaires la possibilité de les acheter jusqu’à cette date et de les écouler ensuite légalement durant 6 mois. C’est la première solution temporaire que nous avons trouvée et négociée – avec succès – avec le cabinet de la Ministre. Mais le problème n’a pas entièrement trouvé à se résoudre. Nous continuons donc de dialoguer avec l’autorité politique car le pire est sans doute à venir. Reste que le MTE considère avoir fait tout le nécessaire… Et, in fine, rejoue son antienne : le réemployable ! Le dialogue sera difficile, voire impossible. Mais nous mettrons tout en œuvre pour nous faire entendre : il en va de la possibilité pour les industriels comme pour les gestionnaires d’exercer leur activité. Nous ne nous satisferons jamais d’une fin de non-recevoir de la part de l’autorité politique. Enfin, il se peut, en fonction de l’évolution de la situation, que nous en arrivions à la mobilisation générale de la profession car le politique ne peut pas détourner les yeux devant ce qui s’agite… Et notre métier, ne l’oublions pas, c’est « la pause-café », soit le moment préféré des Français au travail ! Nous avons un pouvoir symbolique fort, que l’on peut mettre à profit. Et la Fédération est toute indiquée pour cela. Encore faut-il que le patronat s’engage…

food&coffeemarkets : La Fédération a mené un travail de fond ces 24 derniers mois avec des résultats concrets qui ont profité à l’ensemble de la filière vending…  Cela s’est-il traduit par un soutien et une adhésion plus forte des professionnels ? Le rôle et l’image de Navsa ont-t-ils évolué selon vous ?

Diane Thomas et Yoann Chuffart : Entre mars et septembre 2020, soit durant 7 mois au total, nous avons ouvert les services de la Fédération, avec l’accord du Président, à l’ensemble des entreprises du secteur, c’est-à-dire aux non-adhérents. Nous avons alors été très sollicités et, à cette occasion, nombreux ont été les chefs d’entreprise qui ont découvert le rôle de la Fédération et, parfois même, son existence ! C’est un fait, et il n’est pas spécifique au secteur de la distribution automatique, de nombreux chefs d’entreprise en France restent toute leur carrière durant totalement étrangers au monde fédéral et, pour certains, ignorent donc jusqu’à l’existence des fédérations patronales. Il existe ainsi un problème à résoudre autour de la « visibilité » des organisations professionnelles auprès des entreprises en France, assorti d’un déficit notoire de culture syndicale de la part du patronat français (à l’exception de certaines professions entretenant un fédéralisme fort, comme les Boulangers, les Routiers ou encore certaines industries). On entend parfois, ici et là, un discours résigné qui voudrait justifier de n’être pas adhérent à la Fédération : « On ne pèse rien, on ne nous écoute jamais ». Or rien n’est moins vrai ! Non seulement les différentes crises que la profession traverse depuis le printemps 2019 ont démontré toute l’importance pour les entreprises du secteur d’être représentées au sein d’une organisation professionnelle afin de n’être pas tributaire de la décision publique, mais encore les succès obtenus ont prouvé qu’en mettant en œuvre une politique « agressive » de défense des intérêts de la profession l’on parvient à être entendu ! Qu’est-ce qui fait alors la force d’une organisation professionnelle ? En premier lieu, évidemment, sa détermination à se positionner comme un véritable « Défenseur » des intérêts de la Profession ; en second lieu, sa représentativité et, partant, sa capacité à fédérer les intérêts sectoriels, à mobiliser le patronat du secteur. Et c’est bien ce second point qui doit faire écho chez les chefs d’entreprise du secteur : plus l’on est nombreux, plus l’on est forts. C’est aussi simple que cela. Vous voulez que votre secteur compte dans l’économie nationale ? Fédérez-vous. Vous voulez peser lourd dans la balance de la décision publique ? Fédérez-vous. Vous voulez que votre métier soit connu et reconnu ? Fédérez-vous. Vous voulez que l’on parle de vous ? Fédérez-vous. Vous voulez que l’on « ne fasse pas » sans vous ? Fédérez-vous. On ne peut plus entendre que telle industrie, telle profession a « toujours gain de cause » parce qu’ils sont « les gros » ! C’est méconnaître les rouages de l’influence ! La vérité, c’est que les professions qui ont souvent gain de cause auprès des pouvoirs publics sont celles qui sont les plus unies ! Or de trop nombreux gestionnaires n’ont pas encore fait ce constat ! Pourtant, la Fédération – qui travaille déjà à la défense de leurs intérêts qu’ils soient adhérents ou non – a besoin d’eux. Et eux, ils ont assurément besoin de la Fédération et ils ne peuvent plus désormais faire mine de l’ignorer ou, pis encore, faire à la Fédération un procès en inutilité : grâce à NAVSA, ils ont obtenu un an et demi supplémentaire pour pouvoir utiliser les gobelets en plastique (2019), puis ils ont eu la garantie de pouvoir utiliser un gobelet composé partiellement de plastique (2020) ; ils ont pu exercer au moment du « confinement » (14 mars 2020) ; ils ont obtenu que la D.A soit autorisée dans le « protocole national entreprise » au moment du « déconfinement » (mai 2020) ; ils ont obtenu d’être un « secteur protégé » (novembre 2020), éligible aux différents dispositifs d’aides de l’Etat ; ils ont obtenu de pouvoir écouler leur stock de gobelets en plastique au moment de l’entrée en vigueur de l’interdiction (juin 2021) puis de pouvoir à nouveau utiliser des gobelets composés de plus de 15% de plastique alors que la pénurie de gobelet en carton guette (octobre 2021), etc… Bref, sans la Fédération, la profession serait aujourd’hui en plein désarroi, démunie. Pourtant, un trop grand nombre de chefs d’entreprise n’ont pas pris acte de cela, bien qu’ils soient parfaitement informés de tout ce que l’on relate ici – et du reste. Nous en appelons donc une nouvelle fois à leur esprit de responsabilité : il est du devoir du chef d’entreprise de contribuer à la défense des intérêts de sa profession ! Tout comme, en d’autres temps, l’on était mobilisé pour la défense de la Nation…

food&coffeemarkets : Si 2020/21 reste des « annus horribilis » pour les gestionnaires quid de l’année 2022 dans le contexte actuel ? Quel reste votre sentiment sur le devenir de la profession ?

Yoann Chuffart : L’année 2022 sera celle de l’Apocalypse, c’est-à-dire de la « Révélation » (au sens étymologique). Qu’est-ce à dire ? Le dispositif public d’aides aux entreprises exceptionnel déployé en 2020 est destiné, comme tout le monde le sait, à disparaître : le fameux « quoi qu’il en coûte » du Président de la République obéissait évidemment à une logique contextuelle, le soutien aux entreprises ayant été rendu nécessaire par la mise en œuvre des mesures de restrictions sanitaires et leurs effets sur l’activité économique à court et moyen termes. Dans un premier temps, le gouvernement a progressivement adapté son dispositif afin de tenir compte de l’évolution de la situation sanitaire et, partant, de la situation économique. Dans un second temps, il a été acté de la fin des principales aides ayant bénéficié aux entreprises en difficulté. Or avec ce « retour à la normale », nous allons bientôt nous trouver face à « l’état réel » du pays : jusqu’alors, nous avons vécu dans la parenthèse d’une économie assistée, où l’intervention massive de la puissance publique a permis à l’immense majorité des entreprises de « passer la crise ». En 2022, la loi du marché s’imposera à nouveau dans toute sa rigueur… A cela s’ajoute que parmi les aides auxquelles les entreprises ont le plus recouru figurent notamment le prêt garanti par l’Etat (PGE), qu’il faut rembourser, et le report de charges, qui va venir gonfler les échéances des entreprises à l’avenir. Dans ce contexte, les gestionnaires devront aussi faire face à l’éventuelle défaillance de quelques-uns de leurs propres clients, voire à des politiques de réduction des coûts en entreprise qui impacteront directement l’activité de gestion. Il faut enfin considérer que l’incertitude demeure autour de l’évolution de la situation sanitaire : si les deux années écoulées nous ont bien appris quelque chose, c’est à faire preuve d’humilité et à nous tenir sur nos gardes. A ce sujet, l’on ne peut voir dans la vaccination une garantie pour l’avenir tant le virus – et surtout son évolution – échappe encore à la compréhension de la communauté scientifique. En 2022, nous vivrons donc encore une période incertaine, où la situation économique pourrait se dégrader une nouvelle fois si la situation sanitaire empirait à nouveau. Au-delà des inquiétudes sur l’avenir, les acteurs de la DA doivent travailler pour réinventer leur métier à l’aune d’un changement de modèle économique qui s’impose à eux par la force des choses. Et cela passera inévitablement par une revalorisation de la prestation délivrée, elle-même amenée à évoluer voire… à changer. La distribution automatique est sans conteste un secteur d’avenir, en capacité de satisfaire aux exigences très contemporaines du « n’importe où, n’importe quand » ; surtout, elle est le secteur de tous les possibles et la crise l’a démontré, qui a vu la Fédération sollicitée par le ministère de l’Industrie en avril 2020 afin que les Gestionnaires proposent dans leurs machines masques, gants et gel hydroalcoolique… Ou encore lorsque des restaurateurs, fermés depuis un an, ont décidé de proposer leur cuisine à la vente via des appareils automatiques et se sont alors rapprochés de la Fédération. Ou bien encore lorsque des gestionnaires, voyant un client fermer le service de restauration collective de l’entreprise, lui ont proposé de basculer vers une solution de « micro-market »…

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