C’est le travail entamé par Florent Moreau (Planète DA). Comme bon nombre de ses confrères, il a subi la crise Covid de manière importante. Mais quelque soit le timing de sortie de la pandémie, il reste bien décidé à rebondir par une revalorisation des offres, un travail sur les marges, tout en restant également conscient que c’est peut-être aussi le modèle économique du vending qui doit évoluer.
Food&Coffee Markets : Comment se termine l’année pour planète DA ?
Florent Moreau : Cette année est une année extrêmement particulière pour toute la profession et bien évidemment pour la société planète DA également.
L’objectif à date est de se recentrer sur les fondamentaux de notre métier. Nous devons impérativement travailler nos 20/80 dans nos gammes de produits, nous devons aujourd’hui continuer à persévérer sur le développement du paiement sans contact. Bien évidemment nous avons un plan d’action pour assurer la transition écologique avec la mise en place du gobelet carton qui devra se faire au plus tard pour la fin du mois de juin.
F&CM : Comment avez-vous vécu les deux confinements successifs ?
Florent Moreau : la date du 17 mars 2020 restera à jamais gravée dans mon esprit d’entrepreneur. Après 26 ans d’activité, 30 ans dans le milieu de la distribution automatique, il a fallu mettre à l’abri et en sécurité les salariés avec la mise en placed’un protocole sanitaire indispensable pour préserver l’intégrité physique et la santé des salariés. Ensuite, j’ai mis en place tous les protocoles pour pouvoir continuer à exercer dans les meilleures conditions possibles l’activité auprès des clients qui nous laissaient intervenir. Enfin j’ai pris des décisions extrêmement graves et importantes pour mettre à l’abri financièrement l’entreprise. Du jour au lendemain le chiffre d’affaires a plongé à -80 %. Petit à petit nous avons réussi à refaire partir ce qui pouvait l’être pour sortir de cette première période de confinement à la fin du mois de mai.
Et puis, le deuxième confinement beaucoup plus prévisible est arrivé, compte tenu que nous avions tous souhaité pouvoir partir en vacances et profiter du grand air. Cependant, même si ce deuxième confinement a été moins violent, il n’en reste pas moins qu’il a fait des dégâts au sein de Planète DA. Je n’ai pas été amené à faire de « licenciements secs » mais je n’ai pas pu renouveler trois départs de collaborateurs de l’entreprise.
F&CM : Avec et le recul que vous pouvez avoir, quels sont les enseignements que vous tirez de ces neuf derniers mois ?
Florent Moreau : le principal enseignement que j’ai pu tirer de ces neuf mois de crise sanitaire est qu’il est indispensable de répartir correctement ses risques en termes de développement commercial. Heureusement, avec mes 26 ans d’expérience en distribution automatique je ne me suis jamais spécialisé sur une typologie ou sur un client majeur. Plus que cela, j’ai bien souvent refusé que des clients importants ou des grandes enseignes prennent trop de poids au sein de mon chiffre d’affaires dans l’entreprise. C’est peut-être ce qui a permis à mon entreprise de finir l’année à -25 % de chiffre d’affaires et d’avoir une situation, certes, tendue et inquiétante mais je suis sûr que je pourrais rebondir une fois la crise terminée même si je suis conscient que je ne retrouverai probablement pas le trend d’affaires que j’avais en 2019.
F&CM : Comment se profile selon vous le début de l’année ?
F.M. : Ce début d’année reste malgré tout problématique à plusieurs titres. Bien évidemment, notre salut viendra à n’en pas douter de la vaccination mais il est probable qu’avant le mois de juin/juillet soit la fin du premier semestre, nous n’aurons pas une situation stable sur un plan économique. Néanmoins on constate déjà que nous risquons probablement de nous retrouver dans un troisième confinement ce qui est particulièrement inquiétant. Un chef d’entreprise doit pouvoir prévoir et anticiper. La situation actuelle rend cet exercice extrêmement complexe et périlleux. Un chef d’entreprise a besoin de prendre des décisions difficiles et il lui appartiendra toujours d’être, en dernier ressort, celui qui prendra les décisions les plus compliquées. Depuis le 17 mars j’ai dû prendre de telles décisions comme tous mes confrères.
L’année 2021 sera pour Planète DA l’année où nous allons assurer la transition écologique, où nous allons nous concentrer sur la mise en place des meilleurs produits avec les meilleures rotations sur nos automates, tout en accélérant la mise en place et le déploiement du paiement sans contact. Il nous incombe également de travailler de nouvelles offres susceptibles de satisfaire au mieux nos clients.
F&CM : Attendez-vous une vraie reprise ?
F.M. : Comme je le disais précédemment, la vraie reprise n’arrivera pas avant le second semestre 2021 très probablement. Quand elle sera là, le monde du travail aura probablement pris de nouvelles habitudes et le télétravail perdurera, ce qui nous obligera à repenser notre développement commercial.
F&CM : Vous travaillez au sein de Navsa sur la crise Covid, le pire a-t-il été évité ?
F.M. : En tant que Vice-président de la fédération française de la distribution automatique nous travaillons quotidiennement avec Pierre Albrieux, Alessandro Rampoldi, Diane Thomas et Yoann Chuffart à rester en veille permanente sur l’actualité juridique qui évolue sans cesse. Il est certain qu’un travail exemplaire depuis le début de cette crise a été réalisé par le bureau afin de pouvoir communiquer auprès de la profession toutes les évolutions juridique et économique que nous avons dû mettre en place dans nos entreprises. Navsa a remporté un certain nombre de succès pendant cette crise, il est évident que la Fédération a joué un rôle déterminant comme cela n’a probablement jamais été le cas depuis sa création. Le fait que nous soyons éligibles à la liste S1 Bis par exemple, nous a tous permis d’obtenir des aides spécifiques supplémentaires, notamment pour ceux d’entre nous qui ont été les plus touchés. Au premier février le chômage partiel passerait à 36% brut si nous n’étions pas éligibles à cette liste S1 Bis, hors il restera à 60%. Aujourd’hui le conclurai sur ce sujet en indiquant qu’il ne me paraît pas raisonnable de ne pas adhérer à cette fédération professionnelle quand on voit tous les dossiers sur lesquels la profession doit se battre. Unis nous serons plus forts ..
F&CM : Quelles sont les pistes de réflexion qu’il faudra selon vous suivre suite à la crise ?
F.M. : Comme je le disais précédemment, on va se recentrer sur les fondamentaux, le meilleur produit à la meilleure place et au meilleur moment. C’est la base du marketing mais également la base du travail qui est le nôtre : gérer ! Nous sommes des gestionnaires, il nous faut donc gérer nos entreprises et faire tout ce qu’il faut pour développer notre offre de services.
Ne pas mener une réflexion de fond me paraît irresponsable au regard de la crise que nous traversons. Cette dernière aura mis en évidence également qu’il est aujourd’hui indispensable de travailler ses marges et de ne pas simplement regarder son chiffre d’affaires. Bon nombre d’entre nous continuent à faire des offres commerciales qui sont bien trop agressives et qui ne correspondent pas à une réalité économique qui permet à une entreprise de distribution automatique de se développer, d’investir et d’avancer.
L’une des pistes de réflexion consistera à mon sens aussi à mener une politique de revalorisation de nos offres tarifaires.
F&CM : Au final, le vending d’avant Covid va-t-il persister ?
F.M. : Malheureusement, cette crise exceptionnellement terrible qui nous a frappé de plein fouet est actuellement en train de faire des victimes dans le milieu de la distribution automatique. C’est tout à fait regrettable, mais il est certain que seuls persisteront ceux qui ont toujours su mener une politique commerciale tournée vers le consommateur et le client, où le maître mot reste l’évolution permanente de l’offre de service. Demain nous verrons surgir dans ce milieu de nouveaux intervenants qui arrivent avec de nouvelles offres. En ce qui me concerne je reste persuadé que nous continuerons à avoir besoin d’un petit café, d’une confiserie, d’une boisson fraîche voire d’un produit frais, mais il faudra repenser à n’en pas douter la façon dont ces produits seront distribués et proposés. Pourquoi ne pas proposer demain une location minime pour couvrir nos frais fixes en plus de la gestion de notre offre de service qui est aujourd’hui selon moi galvaudée et sous-valorisée. Nous constatons l’arrivée de nouveaux venus notamment des acteurs de la restauration rapide en DA qui n’ont pas de freins psychologiques à proposer des locations de matériels de plusieurs centaines d’euros par mois en plus de la gestion de la machine et du chiffre d’affaires encaissé. C’est l’une des pistes de réflexion que je vais continuer à mener et essayer de mettre en place au sein de Planète DA. J’espère ne pas être esseulé ni isolé dans cette réflexion, car plus nous serons nombreux dans cette démarche et plus nous arriverons à revaloriser nos ratios financiers et améliorer nos bas de bilan.