Il est déterminé, combatif et ne mâche pas ses mots. Pierre Albrieux, Président de la Fédération NAVSA s’est ouvert dans un long entretien sur les difficultés issues de la crise Covid pour la profession. L’investissement des membres de la fédération a été soutenu. Mais selon lui rien n’est gagné et l’année 2021 réserve bien des questionnements et des enjeux pour le vending.
Food&Coffee Markets : Le Président Macron a levé le voile sur une reprise de l’activité et un assouplissement du confinement… quelles sont à dates, vos impressions sur une future reprise ?
Pierre Albrieux : Cet assouplissement du confinement portera ses effets chez les commerçants, leur permettant d’assurer le minimum d’activité pour les fêtes de fin d’année. En ce qui concerne la distribution automatique, je suis convaincu qu’il n’y aura aucune reprise jusqu’à la fin de l’année.
Le télétravail perdure et nous allons vite arriver à la période des fêtes qui met traditionnellement notre activité en sommeil. Par ailleurs nous sommes encore dans une situation de « déconfinement bien plus progressif » que lors de la première vague ce qui va à mon sens induire une prudence de la part des acteurs économiques en termes de reprise de l’activité sur le lieu de travail
F&M : Navsa a mené un travail de fond pour défendre l’ensemble des professionnels, peut- on parler d’un bilan satisfaisant à vos yeux ?
P.A. : Il me tient à cœur de souligner le travail exemplaire de nos deux Délégués Généraux, Diane Thomas et Yoann Chuffart. Il semble que les gestionnaires de distribution automatique ne soient jamais entièrement satisfaits, au vu de ce que j’ai cru comprendre, dans les dialogues des groupes WhatsApp que j’ai voulu créer et animer. Je tiens à dire avec fermeté que je considère que NAVSA ne pouvait espérer obtenir plus. Il y a le fond et la forme, c’est à dire les résultats obtenus et le classement de l’activité distribution automatique dans la liste S1bis qui est une mesure immédiate et concrète, mais aussi et surtout l’attention et l’écoute obtenues par la Fédération NAVSA de la part de l’Etat, des pouvoirs publics et des différentes représentations parlementaires. Nous avons effectué un véritable marathon qui nous a littéralement lessivé. J’ai consacré à cette crise mes jours et mes nuits. Je ne suis animé que par la défense de notre métier qui est la passion de ma vie. Vous aurez compris que je suis donc satisfait sans pour autant faire de l’autosatisfaction. Je suis réaliste, pragmatique et suis prêt dès demain à repartir au combat : rien n’est acquis.
F&CM : La Fédération apparait ces dernières semaines, assez visible dans les média grand public… est-ce à dire que ces derniers se soucient désormais des professionnels de la DA ?
P.A. : Là encore, il me semble important de préciser la position de la Fédération NAVSA ne fait pas du marketing. Elle n’aura jamais une communication de bisounours. Elle est là pour défendre les intérêts d’une profession devant les Autorités de l’Etat. Sa communication doit correspondre à la réalité de la situation vécue par ses adhérents. Sa communication doit être complémentaire de son action publique. NAVSA n’a rien à vendre. NAVSA n’a que pour but d’écouter, représenter & défendre.
Dans le contexte actuel, voulant obtenir le maximum d’aides, la communication de la fédération ne pouvait être qu’alarmiste envers les autorités de l’Etat. Sachez toutefois qu’à chaque interview, je m’efforce d’être pédagogue envers les journalistes pour leur expliquer cette situation ô combien étrange : notre activité est autorisée en droit mais souvent interdite dans les faits.
Dès le début de la crise, en tant que juriste, j’ai toujours considéré que la responsabilité du chef d’entreprise, qui doit assurer la sécurité de son personnel face la pandémie, allait conduire à des interdictions excessives.
F&CM : Quels sont selon vous les points majeurs obtenus par Navsa sur lesquels les gestionnaires peuvent s’appuyer pour passer les difficultés du dernier confinement ? En quoi l’inscription sur la liste S1bis était-elle cruciale ?
P.A. : Navsa a d’abord obtenu l’autorisation d’exercer. En effet, lors du premier confinement, notre activité n’était pas autorisée dans la première mouture du décret. C’est NAVSA qui a obtenu la modification du décret. Il me semble important de rappeler cet état de fait qui a permis à beaucoup d’entre nous de sauver une partie de l’activité. La seconde victoire est effectivement l’inscription de notre secteur sur la liste S1BIS. Certains de mes confrères ont fait part de leur déception. S’ils croyaient pouvoir gagner sur tous les tableaux, ils étaient en dehors de toute réalité !! Chacun en fonction de sa situation va pouvoir trouver dans ce classement l’aide maximum adaptée à son entreprise :
– Le gestionnaire qui n’a qu’un client, lequel est totalement fermé, pourra accéder au fonds de solidarité puisque son chiffre d’affaires est à 0.
– Les professionnels qui ont perdu énormément de chiffre d’affaires pourront prétendre à l’exonération des charges.
– Toutes les entreprises de la distribution automatique qui emploient des salariés vont pouvoir bénéficier du chômage partiel le plus avantageux.
Certains ont rétorqué qu’ils déclaraient déjà depuis le premier juillet l’activité partielle au taux de 70%. Or cela me stupéfait. Ils étaient hors-la-loi bien souvent mal conseillés par leur expert-comptable et n’avaient pas suivi les recommandations de NAVSA. En effet ils auraient dû déclarer l’activité partielle au taux de 60%. L’inscription sur la liste S1BIS va donc pouvoir leur permettre d’être en règle avec l’administration.
Vous voyez donc que la déception de certains est totalement infondée. Cette liste S1BIS est une boîte à outils qui permettra à chacun d’être aidé.
Récemment un contrôleur Urssaf nous a fait savoir que le fait d’être inscrit sur cette liste l’autorisait à faire des observations lors du contrôle mais lui interdisait de redresser l’entreprise contrôlée et donc de mettre en recouvrement. On voit ici la détermination FORTE de l’Etat à aider les entreprises.
Enfin, le classement dans cette liste des entreprises particulièrement impactées pourra être un des éléments qui permettra la négociation de la baisse des redevances dans le secteur privé.
Pour le secteur public, la loi de finances rectificative a autorisé une réduction de 25% du montant des redevances fixes où proportionnelles au chiffre d’affaires. Navsa œuvre actuellement pour obtenir une augmentation de ce pourcentage d’annulation de la redevance d’occupation du domaine public.
F&CM : On a par le passé quelques fois reproché à Navsa une trop grande discrétion… il semble que désormais la Fédération a pris le parti de s’affirmer plus ?
P.A. : Vous me connaissez suffisamment pour savoir que la discrétion n’est point dans mon ADN… Je suis un inconditionnel du principe de mon voisin Paul Bocuse que nous appelions Monsieur Paul :
« il ne sert à rien de savoir-faire si on ne le fait pas savoir ». Je ne regarde pas en arrière et je laisse à chacun l’occasion de constater en toute franchise le formidable travail effectué ces derniers mois et de reconnaître que la fédération s’est mobilisée pour le bien de tous !
F&CM : Vous entamez un troisième mandat dans un climat plus que tendu… Comment percevez-vous les enjeux pour 2021 ? Selon vous les conditions d’une reprise sereine de l’activité pour l’année prochaine sont-elles réunies ? La profession a-telle passé le plus dur ?
P.A. : Les enjeux pour 2021 sont de taille. NON, nous n’avons pas passé le plus dur. Le pire est devant nous quand les entreprises sortiront de la réanimation économique. Le réveil sera douloureux et probablement cruel. A cet état de fait, il faudra ajouter les enjeux cruciaux de la suppression du plastique. En effet, à moins de 6 mois de l’échéance rien n’est encore clairement fixé !! Tout peut être bouleversé. Enfin l’audition de notre Fédération par la Cour des comptes sur le problème du coût de l’obésité, doit nous faire souvenir que les enjeux nutritionnels vont REVENIR AU GALOP. 2021 SERA TOUT SAUF UNE ANNEE SEREINE dans un climat économique et social fortement dégradé.
Par ailleurs, J’ai une pensée particulière pour nos adhérents au collège fournisseurs produits et matériels. Je sais qu’ils sont fortement impactés :
– Fournisseurs produits : le niveau d’activité les impacte directement. Par ailleurs, leur production doit être adaptée en temps réel afin de ne pas détruire des marchandises à DDM dépassée. Cela est un véritable casse-tête. Les stocks des gestionnaires n’ont jamais été aussi bas.
– Fournisseurs matériels : ils sont devenus la variable d’ajustement. Face à cette situation, les deux curseurs d’adaptation sont la masse salariale et les investissements.
Par ailleurs, le développement commercial des gestionnaires est pratiquement à l’arrêt, les entreprises clientes ont d’autres préoccupations actuellement que le renouvellement de leur matériel. Il ne reste que les appels d’offres…
F&CM : la Fédération a clairement montré sa capacité à rester le seul interlocuteur privilégié et représentatif face à l’Etat, mais vous avez plusieurs fois souligné le fait que l’ensemble de la profession avait vocation à adhérer à vos démarches et donc au syndicat. Quels est le message très concret que vous pouvez adresser aux professionnels afin de les convaincre de vous rejoindre ?
P.A. : Durant toute cette crise, j’ai mis un point d’honneur à faire preuve d’ouverture et de solidarité en répondant à tous, adhérents ou non. Si je n’ai pas convaincu les plus réticents de l’importance d’une fédération pour les représenter devant les autorités de l’état, alors j’ai tout perdu et je n’y parviendrais jamais. Je les laisse libres de leur choix mais je les implore d’arrêter de critiquer sans cesse la fédération. Il y a un moment où chacun doit faire preuve de dignité.
Mon Conseil d’Administration, mes Vice-Présidents et moi-même consacrons bénévolement de nombreuses heures à la défense de la profession. Cette fonction empiète largement sur notre vie privée. Je reste toutefois confiant. En effet, j’ai organisé une rencontre des trois groupements non adhérents, PROXIPAUSE, DIVA ET DEVIENT, DA GROUP. J’ai bon espoir de les voir nous rejoindre. Quoi qu’il advienne, je les remercie chaleureusement d’avoir accepté et entamé ce dialogue dans le respect et la sérénité. Puisse la grande famille de la DA se retrouver et se sentir apaisée !