Alors que se profile désormais la rentrée de septembre suite à la pause estivale, la profession reste confrontée à une logique de reprise dans une environnement sanitaire et des mesures de prévention toujours présentes. Pierre Albrieux, président de la Fédération Navsa nous livre son sentiment quant aux prochains mois qui attendent la profession.
food&coffeemarkets : Comment s’annonce selon vous la rentrée de septembre ?
Pierre Albrieux : Elle est à la fois compliquée et pleine d’espoir pour la DA :
– compliquée car de nombreux clients exigent le pass sanitaire pour notre activité y compris des clients qui n’y sont pas soumis. Cela pose un problème pour les salariés non vaccinés. Nous trouverons des solutions en détricotant nos tournées et en engageant le dialogue social. Nous en sommes capables ;
– compliquée parce que les règles de l’isolement des personnes infectées par le covid-19 ou « cas contact » débouchent sur de longues absences des salariés. L’Assurance Maladie pousse ainsi au télétravail et à l’arrêt maladie. Mais il est vrai que cela est moins impactant qu’un confinement généralisé de la population ;
– Compliquée car le télétravail – de nouveau recommandé pour la rentrée par le ministère du Travail – impacte encore notre activité ;
– Compliquée parce que la tension sur le prix des produits et des matériels utilisés par la DA est très préoccupante. Les hausses annoncées sont très importantes ;
– Enfin, pleine d’espoir car la reprise est en marche peu à peu depuis quelques mois mais il ne faudrait pas que la mécanique se grippe avec la rentrée des classes et la reprise éventuelle des contaminations d’un virus qui se transmet très facilement entre les plus jeunes.
food&coffeemarkets : Faut-il selon vous rester vigilant quant à la situation sanitaire ?
P.A. : Oui bien évidemment, il faut être très vigilant car rien n’est encore acquis face à cette pandémie si particulière. Le retour des familles de leurs lieux de villégiature et la rentrée des classes vont être un test pour le niveau d’immunité. Enfin, nous constatons un relâchement regrettable des personnes vaccinées, moins vigilantes sur l’application des « gestes barrières ».
food&coffeemarkets : Bon nombre d’entreprises et de collectivités exigent une vaccination des personnels opérants dans leur locaux… Comment peuvent réagir les professionnels ?
P.A. : Souvent, cela est contraire à la LOI, qui énumère de manière exhaustive les lieux, événements et établissements pour lesquels la présentation du « pass sanitaire » est obligatoire. Rappelons-le, le « pass » peut être obtenu après avoir effectué un test de dépistage : le « pass » ne se résume donc pas à la vaccination.
Pour les établissements où cela est obligatoire, il est difficile de penser que la DA puisse être exonérée. L’analyse juridique que je fais, en l’état des textes, est que notre activité n’est pas ponctuelle. Ainsi, un approvisionneur qui livrerait simplement des kits cafés ou des gobelets pourrait être dispensé, mais un approvisionneur qui intervient sur des DA, ne pourrait point l’être.
Quant à dire que l’intervention technique DA entre dans le champ des interventions urgentes qui sont exonérées, cela me parait être une interprétation hasardeuse, sauf dans le cas où le DA serait à l’origine, par exemple, d’une inondation ou d’un départ de feu ou bien qu’il devrait être sécurisé après une effraction. Au final, cette exigence relèvera essentiellement de la négociation commerciale. Certains clients font preuve de bon sens, d’autres vont au-delà de la LOI et vous savez bien qu’il est difficile de s’opposer aux volontés de nos clients sans en payer les conséquences.
food&coffeemarkets : La question se pose aussi sur la vaccination des personnels de gestion. Doit-on en passer par une incitation à la vaccination ?
P.A. : Il faut dialoguer et expliquer la problématique en lien direct avec cette exigence. Et il convient de cesser de se déchirer sur ce sujet. Cette question relève de l’intime, elle ne doit pas devenir une lutte politique et sociale. Or cela est malheureusement trop souvent le cas actuellement. Elle pose au citoyen le problème du libre arbitre, qui tient à la fois à la philosophie, à la psychologie et à l’éthique. Pour ma part, je suis vacciné mais je respecte l’opinion de ceux qui font un autre choix, à la condition toutefois que leur choix ne relève pas de la simple contestation, laquelle revêt parfois une forme délirante. Il faut simplement décrire la réalité en expliquant que les heures consacrées à des établissements qui exigent le pass ne seront pas payées si l’entreprise ne peut pas faire intervenir un autre approvisionneur. Enfin, j’appelle à la plus grande prudence quant au fait d’envisager un licenciement du salarié « récalcitrant », lequel donnerait lieu à coup sûr, selon moi, à une contestation devant le Conseil des Prudhommes.
food&coffeemarkets : Le dispositif d’aides et de soutien aux professionnels est en passe de s’arrêter… Est-il encore possible de bénéficier des mesures de soutien ?
P.A. : Le chômage partiel le plus favorable s’est arrêté depuis le 01/07/21. Il reste encore possible de signer un accord dit « APLD » (« activité partielle longue de longue durée ») pour continuer à bénéficier d’aides plus favorables. D’autres dispositifs, auxquels les professionnels – éligibles grâce là encore au travail de la Fédération – accèdent difficilement ont également été prolongés tout récemment.
food&coffeemarkets : Certains gestionnaires retrouvent des niveaux d’activité proches de l’avant Covid… La crise vous semble-t-elle derrière nous ?
P.A. : Tous les gestionnaires ne sont pas logés à la même enseigne en fonction de leur localisation et de la configuration de leur clientèle. Depuis le début de la crise, l’on constate que les grandes métropoles, où le tertiaire domine, sont bien plus touchées. Il me semble donc excessif d’affirmer que la DA retrouve globalement le niveau d’activité de l’avant Covid : l’activité va mieux mais elle est encore loin de ressembler à ce qu’elle était en 2019. Lorsque nous y parviendrons, tout ne sera pas gagné car nombre d’entreprises devront rembourser leur PGE et éponger, pour certaines, les lourdes pertes des exercices clos pendant la période « COVID ».
L’heure de vérité économique vient de sonner au moment où la perfusion vient d’être débranchée. Restons donc lucides et prudents.
Je voudrais profiter de cette tribune pour faire passer trois messages :
– j’aimerais que l’unité et la solidarité de la profession révélée par la crise perdure et se traduise par une prise de conscience générale sur la nécessité de se fédérer pour être plus forts ensemble : l’homme est un loup pour l’homme, écrivait Hobbes, et cela se vérifie bien trop souvent dans notre métier… Or, les crises démontrent bien que cet état de confrontation permanente n’est pas viable ;
– mais il est certain que ceux qui encore aujourd’hui ne sont toujours pas convaincus que NAVSA est indispensable à la défense de nos intérêts ne le seront jamais. Je pense que mon équipe et tous les élus ont pourtant démontré, durant cette crise et celles qui ont précédé, leur utilité et surtout leur légitimité comme interlocuteur unique de l’Etat pour la Profession. Nous défendons avec probité et honneur la Distribution Automatique. Nous en avons d’ailleurs fait le serment lors de notre élection en 2020. Et j’ai tenu personnellement à instaurer cette cérémonie du serment, qui entérine notre engagement ;
– enfin, je tiens, au nom de notre profession, à vous remercier, vous, Jean-Yves Frantz, pour avoir relayé nos actions et porté nos messages. Vous avez fait preuve d’égards pour la Fédération et je n’ai aucun doute que la DA vous en est reconnaissante.