Nous devons convaincre nos clients de l’intérêt de nouvelles offres

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C’est le constat que dresse Antoine Michelet, président de l’Igloo. Selon lui le Covid a changé les attentes des consommateurs, des clients mais aussi permis à l’Igloo d’accélérer sa transformation. 

F&CM : l’Igloo est un acteur historique dans la distribution automatique, pouvez vous nous retracer son histoire. 

Antoine Michelet : L’Igloo a été créé en 1995, par Orangina à l’époque filiale du groupe Ricard à Marseille. La société s’est étendue au niveau national, puis revendue à la découpe suite au rachat d’Orangina par le groupe Suntory. En 2012, la dernière entité est cédée à Christian Recullé et Patrice Bizet, dirigeants de Gap Café. Pour ma part, j’étais cadre dirigeant d’une multinationale à Montpellier. En mai 2016, je rencontre Christian Recullé et son associé. Le rachat d’Igloo est effectif en mars 2017. Depuis, nous avons constamment cherché à moderniser l’entreprise et nous développer. En 2022, L’Igloo se porte bien, nous avons une super équipe, des clients fidèles qui nous recommandent pour la qualité de service. Nous sommes un peu plus de 50 salariés, exploitons 2500 machines, chez 500 clients, répartis sur un large territoire s’étendant de Montpellier à Menton. L’Igloo a la particularité d’élaborer son propre café, un blend « fait maison » que nos nombreux clients apprécient de plus en plus. Nous avons acquis un savoir-faire café, ce qui nous permet de sélectionner des torréfactions de spécialité pour les clients les plus exigeants. L’IGLOO est membre du réseau PRODIA+, ce qui est une réelle force tant commerciale qu’à l’achat.

F&CM : Les deux dernières années et la crise Covid ont été particulièrement éprouvantes pour les acteurs proposant un service en entreprise, comment avez-vous vécu cette période

A.M. : Dès mars 2020, soit 3 années après une reprise d’entreprise assez complexe, nous avons comme tous été confrontés à la pandémie de la COVID. Nous avons immédiatement pris la décision de maintenir l’activité, une large part de nos clients ayant exprimé le besoin de maintenir un service (en mode « dégradé »). Cela n’a été possible qu’avec l’engagement sans faille de nos collaborateurs. Nos équipes se sont fortement mobilisées afin de répondre aux exigences dictées par cet impératif de continuité de prestation. Nous avons nommé un référent COVID qui a coordonné les mesures et actions à mettre en place et gérer les risques. Sur la base du volontariat, nos équipes ont géré nos exploitations pour servir nos clients restés ouverts (secteur santé notamment).

Nous avons profité de cette période pour mener plusieurs projets engagés précédemment et débuter la digitalisation de l’entreprise. Nous avons très largement déployé de nouveaux moyens de paiement, mis en place des distributeurs automatiques connectés, etc… mais pas que, nous avons beaucoup travaillé en interne pour essayer de nouvelles méthodes de travail issues de l’industrie (ie Lean Management). Nous avons beaucoup travaillé sur le reconditionnement machine de manière industrielle mais également avec le Ministère de la Justice, ce qui nous a permis d’obtenir le label PePs, qui récompense les entreprises favorisant l’insertion.

En bref, la période a été éprouvante et dynamique, nous n’avons pas vraiment pratiqué le télétravail !

Je tiens à saluer le travail extraordinaire de la Fédération Navsa et ses équipes qui nous ont accompagnés pendant cette période. Bravo à eux, car ils militent pour faciliter le quotidien des gestionnaires. Il est tellement dommage que certains professionnels ne cotisent pas encore.

F&CM : Peut-on parler d’un retour à la normale aujourd’hui ? 

A.M. : Globalement, oui, mais cela dépend vraiment des secteurs d’activité. Notre volume d’activité est supérieur à 2019, et très largement par rapport à 2021. Cette bonne santé est le résultat des projets cités ci-dessus. Nous bénéficions également de la défaillance d’autres acteurs, souvent les plus importants, ce qui confirme la mutation du marché, et l’attente grandissante des clients pour du local.

Par ailleurs, il y a un réel retour au travail, le télétravail ayant modifié notre activité mais ne l’a pas révolutionné. Les collaborateurs reviennent massivement au bureau et c’est une bonne chose. Je note cependant un degré d’exigence supérieur tant chez nos clients que nos collaborateurs. Certains d’entre eux oublient que nous avons souffert et qu’il y a une inflation…

De nouveaux enjeux se posent à nous : maintenir la mobilisation des équipes, leur pouvoir d’achat tout en parallèle contentant nos clients et leurs collaborateurs. Le contexte actuel de forte pression sur nos marges et qui va s’accroître du fait des prix de l’énergie et de nos fournisseurs complexifie notre quotidien.

F&CM : On parle de plus en plus d’hybridation du travail avec l’irruption du télétravail et l’aspiration des salariés à une meilleure qualité de vie au travail… Comment percevez-vous ces évolutions chez L’Igloo ?

A.M. : De manière générale, cette hybridation est une réalité, qui s’impose à nous. Il faut cependant dissocier les publics visés, cols blancs ou cols bleus. Nous nous efforçons de répondre à 100% des demandes à partir du moment ou nous savons le faire. Je note cependant que les frigo connectés et autres micro-market sont peu cités par nos clients. Nous n’avons pas encore franchi le pas. Nous sommes prêts à commercialiser ces offres mais il y a encore beaucoup de contraintes techniques, logistiques et financières sur la région où nous opérons. J’ai choisi de poursuivre notre stratégie et de travailler encore et toujours sur la qualité de service.

Notre clientèle est sans doute moins concernée par le télétravail. Nous sommes historiquement très présents dans l’industrie, la logistique, des secteurs typés « cols bleus ». Cependant, nous percevons une tendance de plus en plus forte de clients amateur de café capsule (notamment Nespresso Pro) qui souhaitent basculer vers du café grain en remplacement de dosettes et réduire le parc machine, pour faire des réduire les déchets et la consommation d’énergie

Les engagements RSE des entreprises y contribuent. Forcément, nous devons repenser nos offres et propositions afin que celles-ci soient plus en adéquation avec ces nouvelles exigences (convivialité, connectivité, …). En revanche, nous souffrons du manque d’innovation des fabricants de matériel, les machines restent à mon sens trop peu intelligentes. Or nous devons inévitablement chercher à mieux appréhender les attentes de nos consommateurs, qui sont in fine nos vrais clients. Cela doit passer par plus d’innovation, de l’agilité voire également une remise en cause de nos pratiques comme le mode contractuel du dépôt gratuit qui n’est plus adapté à notre exigence d’innovation pour satisfaire ce consommateur, le fidéliser et plus largement lui apporter une pause autour du bien-être et de la convivialité. Nous proposons, comme beaucoup, des aménagements, des offres ciblées pour répondre à ces demandes. Ce dernier est en demande et il nous faut aujourd’hui aussi convaincre les donneurs d’ordre comme les CSE ou le milieu associatif.

F&CM : De manière plus large comment interprétez vous les évolutions de votre métier et comment entendez vous les retranscrire au sein de l’offre Igloo.

A.M. : Cette question est un peu indiscrète mais nous travaillons sur de nouveaux concepts, qui seront commercialisés prochainement, avec une attention sur les nouveaux modes contractuels (notamment le locatif ou minimum de facturation). La profession reste très divisée sur ce sujet, nous devons prendre le sujet par le haut, par la réglementation (ce que fait la NAVSA), communiquer auprès de nos clients sur ces nouvelles mesures. Un exemple pour illustrer : une part importante de notre clientele est publique, les régimes des AOT et autres types de marché doivent être revus, c’est à chaque fois la loterie, il devient très risqué de se positionner sur certaines affaires. Il en est de même avec la réglementation des titres restaurant. La plus importante évolution sera sans doute le maintien de nos marges avec, notamment, un prix du café extrêmement élevé, des clients pas toujours prêts à accepter des hausses de tarif. Là aussi, nous devons être persuasifs et solidaires. Il y a 6 ans, j’étais en train de me projeter en me disant, quelle belle boîte, il y a tant à faire, je n’ai pas été déçu. Je prends un réel plaisir aux commandes d’Igloo, il y a tant à faire encore.