La restauration connectée est en marche. C’est ce que soutient John Chidiac dans les secteurs du Vending et de la restauration. Ayant présidé au développement réussi de la technologie de 365 Retail Markets sur les marchés US et à l’international, ce dernier, désormais consultant et développeur d’affaires sur le Vending et la restauration. Il nous partage son expérience et sa vision du rôle que peut prendre la distribution automatique dans un contexte de renouvellement des attentes à la fois des consommateurs mais également de l’entreprise comme client.
FCM : Le micromarket (micromarché) connaît un fort développement sur les marchés anglo-saxons … comment l’expliquer ?
John Chidiac : Le micromarket et plus largement ce que nos appelons l’unattended retail solution répond aux demandes de solution de ventes non assistées. Ces concepts sont apparus sur le marché américain sous l’impulsion de deux acteurs, 365 et Avanti Markets, qui ont initié les offres et développé le marché américain. Ce concept de mini magasin installé dans les entreprises a permis plusieurs choses : il est accessible à tout moment, permet de vendre un large éventail de produits de snack, boissons fraîches, de snacking pour la restauration sur place et de produits de commodité. Il se substitue à une offre de vending traditionnel en offrant pour le convive la possibilité de se saisir des produits contrairement à la vente au travers d’un distributeur automatique. Le concept a séduit les entreprises qui pouvaient proposer de fait une solution plus large de produits alimentaires dans la breakroom (salle de pause). Par ailleurs le lunch n’étant pas le repas essentiel contrairement au petit déjeuner et au dîner chez les Américains, une déclinaison de produits frais permettant de déjeuner sur le pouce était vraiment une avancée et une bonne trouvaille qui n’était pas exploitée par le vending traditionnel.

FCM : Les opérateurs de vending ont pourtant misé sur ces nouveaux concepts sans vraie frilosité. Cela tient-il aux opportunités de business attrayantes ?
J.C. : Plusieurs facteurs peuvent expliquer le développement rapide de la solution. Le premier reste l’adéquation du micromarket au marché et ses attentes. La seconde qui en découle reste que le leader du marché de la gestion, Compass, a adopté et développé son offre Avenue C autour du micromarket avec la technologie de 365. Compass qui opère en direct ou via un réseau de gestionnaires franchisé a donc pu généraliser son offre sur le marché et répondre à des appels d’offres nationaux avec succès. Cela a mis en avant le micromarché et permis à ses partenaires franchisés de se rendre compte de l’intérêt de la solution chez une partie de leurs clients. La profession dans son ensemble a aussi dû chercher à répondre à cette nouvelle offre concurrentielle ce qui explique le développement rapide de la solution sur les marchés américains et canadiens qui sont très similaires. De nouveaux acteurs comme Cantaloupe ou 32 Market sont venus rejoindre 365 et Avanti dans le développement et la structuration du marché. La question qui soutient bien entendu également le développement de ces solutions nouvelles est le gain qu’apporte un micromarket. Il est connu et quantifiable avec une hausse du chiffre d’affaires de 150% à 300% comparé à du vending classique tout en dégageant la même rentabilité. Cette logique a su clairement convaincre une grande partie des opérateurs de gestion américain. Aujourd’hui le marché du micromarket représente plus de 13% du marché vending et a dépassé les 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
FCM : Le vending reste quant à lui aussi présent
J.C. : Bien entendu et il ne faut pas croire que le micromarket va remplacer le vending. Au contraire il a su s’y substituer sur des emplacements dédiés et venir dynamiser les offres des opérateurs présents qui n’ont pas perdu de temps pour adopter cette extension de service. C’est une des particularités des opérateurs US que de ne pas systématiquement tergiverser face à la nouveauté. Ils savent tester et s’adapter au fur et à mesure afin de parfaire leurs pratiques. L’autre clé de progression fut le fait que ces dix dernières année Compass a mené des campagnes de rachat d’opérateurs de gestion US avec plus de 100 Mio de $ annuels ce qui a incité également les candidats à la vente à se doter de sites de micromarket voire de la technologie 365 retenue par Compass afin de valoriser au mieux la vente de leur société. Le vending reste bien entendu présent sur le marché. Il s’est du reste fortement modernisé ces dernières années ce qui est assez paradoxal. En effet la profession a peu progressé dans ses pratiques pendant un demi-siècle, au point à l’époque de passer pour très conservatrice, pour par la suite en quelques années prendre le tournant de la digitalisation et des pratiques qui en découlent. Le marché a adopté le paiement bancaire dans un premier temps et adopte désormais le paiement smartphone et sans contact (tap & go). Plus encore les opérateurs se sont dotés d’outils come les VMS (Vending Managment System) intégrant de la supervision des opérations comme les tournées, de la télémétrie, les paiements… afin d’optimiser la rentabilité des exploitations par une meilleur supervision des ventes, une optimisation des tournées et donc des coûts liés à la logistique du dernier kilomètre. Il s’est opéré une mutation du métier qui a été assez soudaine et rapide à la recherche de l’optimisation des ventes et la rentabilité étant deux faces d’une même préoccupation des professionnels. C’est du reste l’un des faits propres aux opérateurs américains et peut être plus largement à l’entrepreneuriat made in US que de rechercher immédiatement à valoriser au mieux l’activité et la revente de cette dernière si le cas se présente ou lors de la retraite du dirigeant contrairement aux usages européens ou la transmission de l’activité familiale et sa durée dans le temps est aussi une alternative. Aujourd’hui les grands opérateurs sont dotés d’outils et solutions de gestion digitalisées, dans le cloud et se complétant afin d’optimiser le quotidien des collaborateurs mais aussi les ventes dans l’automate.

FCM : L’industrie elle aussi s’est structurée ?
J.C. : C’est effectivement le cas. La structuration s’est opérée avec une concentration des fabricants de machines d’une part mais aussi une intégration des solutions et savoir-faire.
Si on prend l’exemple du micromarket les deux leaders 365 et Avanti ont fusionné sous la houlette de 365. Cantaloupe quant à lui a absorbé 32 Markets. Tous proposent les matériels, le back end mais également le paiement et des VMS intégrés afin de proposer une chaine de valeur complète. Parallèlement un acteur comme Nayax qui vient du paiement dématérialisé et que les opérateurs français connaissent bien à quant à lui fait le chemin inverse et propose désormais ses propres solutions de micromarket et plus largement d’unattended retail avec une solide infrastructure de gestion front & back office. Il y a donc de fait une tendance à l’intégration des solutions matériels et technologiques comme la télémétrie et le paiement. Le salon américain NAMA qui va se tenir le mois prochain va à mon sens refléter ces tendances fortes.
FCM : L’Europe semble mois avoir cédé aux sirènes du micromarket. Comment l’expliquez-vous ?
J.C. : C’est à mon sens une question de culture, de structuration des marchés et de décalage dans le temps. Tout d’abord les marchés européens se sont développés non pas sur les boissons fraîches et le snack mais sur le café. La pause-café est centrale dans l’offre vending, non seulement en termes de volumétrie mais également de marge brute. Les snacks et boissons fraîches apparaissent comme complémentaires mais doivent permettre de dégager également une rentabilité. La seconde raison tient tout bonnement au fait de l’emplacement et du potentiel des sites. La cible du micromarket reste l’entreprise ou la collectivité de plus de 200 personnes. Sur le marché américain les habitudes de snacking comme la place dans les entreprises ne posent pas de difficulté pour implanter cette solution. Le marché européen recouvre un potentiel moindre en termes d’espaces dédiées à la salle de pause compte tenu des coûts du mètre carré immobilier et tout bonnement plus restreint en termes de cible de clientèle. La pause déjeuner est aussi un moment de restauration plus central que sur les marchés anglo- saxons et les attentes des convives sont assez exigeantes notamment sur l’ultra-frais là où les convives américains sont plus souples sur les produits frais. Enfin la digitalisation et l’exigence de la rentabilité qui deviennent désormais centrales et impératives ne l’étaient peut-être pas systématiquement par le passé. Le marché US s’est structuré sous l’impulsion du leader du marché qui a impulsé le changement. Pour être honnête le leader européen n’a pas initialement pris cette logique. Il a par la suite fait l’acquisition sur le marché anglais des opérateurs ayant développé du micromarket comme Express Vending mais la mise en œuvre a été plus lente. Aujourd’hui les chiffres démontrent que le marché européen développe le micromarché dans certaines régions mais il me semble qu’il va enjamber cette approche pour passer directement sur les vitrines connectées comme solution plus appropriée. Le marché US est lui aussi en passe depuis 18 mois d’adopter la vitrine connectée. Elle induit un emplacement réduit, offre une vraie convivialité d’usage et devient plus opérable via l’IA et la computer vison. Les technologies initiales sur les vitrines à poids (pesage) ont montré certaines limites que la vidéo voire un mix des deux technologies est en passe de lever. Je crois que l’accélération viendra de ce type de matériel et complètera encore un peu plus les offres vending. Pour les opérateurs indépendants qui restent majoritaires sur le marché européen c’est aussi un atout à moyen terme et je crois que cette solution permettra de séduire les consommateurs par sa facilité d’usage. La restauration connectée fait partie du nouveau spectre de la distribution automatique.

FCM : Finalement les opérateurs de Vending restent également une des clés de réussite.
J.C. : Ils sont à mon sens la clé de voûte du système qui repose finalement sur leur savoir- faire. Nous avons parlé de technologies, de matériels et de concepts mais il faut reconnaître que la complexité du métier tient à l’organisation logistique du dernier kilomètre, la capacité à servir une multitude de clients dans chacune des entreprises. C’est un métier extrêmement complexe et quotidien qui nécessite à la fois des process mais également une flexibilité et une agilité dans la relation client et gestion des ressources. Ce n’est à mon sens pas pour rien si sur le marché US les sociétés de restauration se sont adossées aux prestataires de vending dans un premier temps puis ont pris le parti de les acheter et se reposer sur leur compétence pour eux même développer leurs offres. L’opérateur de gestion reste à mon sens un prestataire du quotidien qui a vocation à perdurer.
Contact : john@chidiacconsulting.com