Jean Christophe Bugeon Directeur des trois marchés de la zone sud de Selecta prend la parole dans FCM. Au-delà de la reconduction de Selecta pour accompagner la SNCF sur les prochaines années ce dernier remet en perspective le travail que la « Foodtech » telle qu’elle se définit aujourd’hui a effectué autour de marqueurs forts appelées à répondre aux nouvelles attentes du marché. Une interview qui s’est effectuée en toute franchise au siège de Selecta France.
Food&Coffee Markets : Selecta a marqué » l’actualité ces dernières semaines avec l’annonce de sa recapitalisation mais aussi la reconduction du marché de la SNCF. L’année 2025 s’annonce positive ?
Jean-Christophe Bugeon : Il est difficile de prédire l’avenir dans le contexte actuel. Pour autant Selecta a effectivement annoncé s’être donné les moyens de travailler une croissance à long terme via en retravaillant la structure de sa dette, en bénéficiant d’une confiance d’un actionnariat repensé et qui s’est attaché à un apport conséquent de liquidités afin de permettre la poursuite de la transformation de la société et de son activité. Une transformation qui se traduit comme vous y avez fait allusion par la confiance renouvelée d’un client iconique comme la SNCF avec qui nous partageons une longue histoire qui se compte en décennies. C’est engageant, cela nous honore et traduit aussi une dynamique propre à Selecta France qui depuis le début d’année est en croissance. Nous gagnons des clients et séduisons de plus en plus de consommateurs. Cette croissance est le fruit de l’engagement des collaborateurs, managers et je tiens à les en remercier.
FCM : À l’issue du Covid beaucoup s’interrogeaient sur la capacité de Selecta à dépasser ses difficultés. Comment avez-vous abordé cet enjeu ?
J-C.B. : Le Covid a été pour tous une épreuve qui a durement affecté et bouleversé les certitudes et pratiques antérieures. La période post Covid a été tout aussi perturbante avec des nouvelles pratiques et usages consommateurs, des attentes sociétales nouvelles mais également un bouleversement dans l’organisation même des entreprises. Ce n’est un secret pour personne que Selecta en qualité du leader européen de la distribution automatique a souffert fortement de ce nouvel environnement. Cette situation coïncidait avec la volonté initiée du Groupe d’opérer une transformation profonde de son activité autour d’une vision plus large. Nous avons de manière volontaire opéré un travail en profondeur de notre portefeuille clients, introduit de nouveaux concepts comme Foodies (vitrines & micromarkets), redimensionné notre activité. Pour ma part je suis arrivé chez Selecta France il y a un peu moins de trois ans pendant cette période difficile qui je dois le reconnaître générait bon nombre de questions. Nous avons pris le parti de reconstruire les équipes, nous pencher sur chaque sujet, fixer des objectifs et donner sens à la transformation initiée. Ce fut un travail quotidien collectif qui aujourd’hui nous permet de bénéficier d’une confiance retrouvée de nos clients et partenaires. Nous avons pour cela bénéficié de la confiance et du soutien appuyé du Groupe et de son CEO, Christian Schmitz dont l’investissement a contribué à ce succès.

FCM : Le visage de Selecta a changé ?
J-C.B. : En qualité de leader européen du secteur, Selecta a pris le parti de répondre aux évolutions du marché de manière contemporaine. La distribution automatique a su pendant des décennies apporter une prestation accessible, efficace. Un succès qui a peut-être conduit la profession dans son ensemble à se focaliser sur les automates en tant que tel quitte à quelque peu oublier le consommateur. Or la vocation première de la DA reste d’apporter le bon produit au bon moment et à la bonne personne et de transformer une vente non assistée en expérience de consommation positive et sans friction. Cette feuille de route Selecta l’a déclinée autour d’approches consommateurs et clients repensées. Cette promesse de satisfaction et de plaisir s’exprime au sein de notre slogan « Joy to Go »
FCM : Les attendus autour de l’automate ont bougés ?
J-C.B. : Je reste aujourd’hui convaincu que le distributeur automatique est un formidable canal de vente de proximité au sein des lieux de vie comme le bureau, les transports, les collectivités. Mais au-delà de la machine c’est également l’instant de pause qu’il incombe de valorise et transformer en une expérience positive et termes d’Ux mais également de qualité des produits proposés. Or les consommateurs que nous sommes tous au quotidien devenons exigeants et attentifs au moindre détail. Nous avons pris l’habitude de commander, payer via des outils digitaux comme le smartphone, les paiements dématérialisés. Plus encore nous sommes attentifs à la qualité des produits que nous consommons et nous attendons à avoir du choix et de la variété. C’est pour la Distribution Automatique en tant que profession un challenge de taille et de tous les instants. La profession vit un moment particulièrement riche ou bien des curseurs se sont déplacés et poussent à évoluer de manière significative. Selecta a su sortir des solutions traditionnelles et proposer une expérience café nouvelle au travers des offres Pelican Rouge mais également en nous appuyant sur des partenariats forts avec Nescafé et Starbucks « we proudly serve ». Nous avons remodelé le quotidien de notre exploitation au travers d’outils digitaux nous permettant de suivre au quotidien nos performances. Plus encore nous avons intégré la nécessité d’outils et d’interfaces de consommations via les écrans, les app et les solutions de paiement dématérialisées. Enfin nous avons au travers de Foodies abordé et élargi nos offres via des solutions de restauration non assistées comme les vitrines connectées dont près de 300 unités sont aujourd’hui en activité. Selecta s’est mué en Foodtech au service des consommateurs mais également des clients qui nous font désormais confiance.
FCM : N’est pas Foodtech qui veut ?
J-C.B. : La transformation que nous avons mise en œuvre et pris le temps de déployer s’est appuyée sur une analyse globale européenne et un diagnostic concret issu de nos décennies d’expérience sur le marché. Les solutions que nous proposons désormais sont aussi un atout pour nos clients et partenaires. Je peux vous citer le cas de la SNCF ou nous avons pris le parti d’investir et introduire depuis deux ans une offre comme Foodies, de prendre le temps d’échanger, de faire des réunions d’étape en toute transparence pour accompagner une montée en compétence, qualifier et bonifier nos offres. Parallèlement nous avons travaillé avec un panel large de nouveaux fournisseurs pour construire une gamme snacking et restauration adaptée aux attentes de la restauration nomade. Il nous a fallu tester, cibler et analyser les performances et suivre de manière systématique les KPI s’y rattachant. Cela impose une gestion online des matériels, des outils digitaux comme les écrans et moyens de paiement, des concepts inédits sur le marché français comme les vitrines connectées et une agilité nouvelle dans nos modes opératoires. Ce changement d’offre, de paradigme au quotidien, d’injection de solutions digitalisées nous apparente de manière forte à la Food et la Tech… avec la différence que nous appliquons d’ores et déjà cette logique sur des dizaines de milliers d’automates dans l’Hexagone. Cette dynamique porte ses fruits aujourd’hui et nous faisons la démonstration jour après jour, client après client, que nous savons associer Food & Tech à la fois pour bonifier l’expérience convive au bénéfice de la marque Entreprise qui nous fait confiance. Enfin notre logique est aujourd’hui de rentabiliser notre activité autour d’un business model repensé et pérenne. L’une des réflexions que nous nous posons est par exemple de faire évoluer certaines pratiques à l’instar des professionnels de la photocopie ou le financement des matériels passe par des institutions financières entre le client et le prestataire.
FCM : Votre périmètre s’est élargi passant de la France à la zone sud (France – Italie – Espagne), les enjeux sont-ils équivalents ?

J-C.B. : Selecta est le principal acteur de la Distribution Automatique en Europe. Nous sommes effectivement présents sur 16 pays ce qui nous permet de bénéficier d’un spectre large de logiques de consommation comme d’attentes autour du métier. J’ai aujourd’hui la charge des « pays latins » que sont la France, l’Espagne et l’Italie. Ces marchés ont des points communs comme les boissons chaudes et l’espresso… mais renferment des spécificités nationales qu’il nous incombe de prendre en compte. Ainsi l’offre en termes de culture café peut différer de même que les snacks. Il en va de même pour Foodies et la restauration/snacking et nous nous employons à fournir des réponses adaptées et des plus qualitatives avec des partenaires pour chaque marché national.
Un consommateur parisien, milanais ou madrilène attend des marques internationales légitimes mais également des offres nationales voire régionales qui ont du sens. Nous nous appuyons sur l’expérience de nos structures nationales afin encore une fois d’apporter un service au plus proche des attentes qui s’expriment sur les trois pays dont j’ai la charge.
FCM : Vous avez annoncé que la Sélecta France est de nouveau en croissance. À l’heure actuelle le syndicat professionnel italien annonce un recul de l’activité… Quel est votre sentiment de la situation sur les 3 marchés que vous couvrez ?
J-C.B. : Notre développement sur le marché français nous place dans une dynamique positive et nous poursuivons la structuration des équipes et de l’activité autour de nos 60 dépôts. Fabrice Rodriguez a pris ma suite en qualité de Président directeur général, Julien Riotte a pris la Direction commerciale après deux années en qualité d’Area operation manager. Nous progressons également sur le marché espagnol. Le marché italien qui est en nombre d’automates en activité le plus important en Europe connaît effectivement des difficultés. Le niveau des prix et des rétrocessions me laissent perplexe et explique à mon sens les inquiétudes qui s’expriment aujourd’hui. La situation actuelle issue des années post Covid nous engage collectivement à faire évoluer les habitudes du passé. Chaque marché dispose de ses spécificités et d’un historique qu’il faut bien évidemment savoir prendre en compte mais le secteur de la DA peut également faire évoluer les usages. Les fabricants et professionnels italiens sont bien placés pour accompagner la logique de montée en gamme tant en termes de technologies déployées, de qualité des produits distribués et apporter la démonstration de la chaîne de valeur que la profession est désormais à même de mettre en œuvre. Cette approche reste à mon sens la plus légitime afin de construire une activité solide et pérenne et donc profitable à la fois pour le consommateur, le client Entreprise et finalement l’activité professionnelle.