Alors que le sort du gobelet carton censé remplacer le gobelet plastique en vending notamment reste encore en suspend, Yoann Chuffart, délégué général de la Fédération Navsa fait le point sur la situation. La Fédération reste bien entendu fortement mobilisée et entend poursuivre son combat afin de permettre une sortie de l’impasse qui soit salutaire à la profession.  

food&coffeemarkets : Les prochaines semaines s’annoncent cruciales quant à la transition des gobelets plastique et carton… Le sujet semble loin d’être clos ?

Yoann Chuffart : En effet, comme nous en avons informé nos adhérents et la presse spécialisée – qui a assuré le relai auprès des non adhérents – le 18 mai dernier, la « saga » du gobelet connaît son épilogue… Alors qu’une issue favorable se dessinait à l’horizon, après de longs mois de négociations acharnées avec les pouvoirs publics, nous avons vu un retournement de situation avec la transmission du fameux arrêté « trajectoire plastique gobelet » à la Commission européenne dans le cadre de la procédure « TRIS ». Prévoyants, nous avions entendu garantir dès la communication de l’avant-projet de texte, en février, l’issue du processus en demandant aux pouvoirs publics de formaliser la suite des négociations : il nous avait alors été affirmé que le texte, une fois rendu à l’état de projet, serait soumis à la consultation du public, comme le prévoit le code de l’environnement sur ce sujet. Il était donc entendu que le texte suivrait un cheminement national. Mais les pouvoirs publics se sont dédits, le 29 avril, en initiant une procédure européenne, qui apparaît non seulement superflue étant donné que le décret du 31 décembre 2020 – qui renvoie à l’arrêté ministériel – avait fait lui-même l’objet d’une communication à la Commission en juin 2020, mais encore malvenue dans le contexte où la date prévue de l’interdiction est fixée au 03 juillet. Nous avons donc entamé une nouvelle phase de négociations avec les pouvoirs publics dès le début du mois de mai pour trouver une issue à l’impasse qui se profile… Les pouvoirs publics tergiversent, c’est ce que je peux vous dire. Toutefois, nous avançons… Et nous pourrons communiquer bientôt sur le sujet avec de nouvelles informations. Les entreprises s’impatientent. Mais le temps de l’entreprise n’est malheureusement pas celui de la politique. Néanmoins, la Fédération presse. Et le dialogue, à haut niveau, se poursuit et aboutira d’ici quelques jours.

food&coffeemarkets : Quels sont selon vous les enjeux pour les professionnels ?

Y.C. : Le premier enjeu tient à la possibilité d’écouler les stocks de gobelets en plastique. Nous avons réalisé en avril dernier une enquête nationale qui a révélé que plus de 675 millions d’unités sont encore stockées, chez les industriels, chez les gestionnaires, sans compter les grossistes… Nous avons œuvré pour faire entendre aux pouvoirs publics que la possibilité d’écouler les stocks relève d’une nécessité économique pour la profession, qui n’a pas pu écouler ses produits dans des conditions normales d’exploitation depuis plus d’un an. À cela s’ajoute que de nombreux gestionnaires se trouvent encore en situation d’inactivité subie du fait des interdictions d’exercer qui leur sont faites par leurs clients, de la mise en place du télétravail ou encore des restrictions qui s’imposent encore ici et là dans de nombreux lieux d’activité. Force est de constater que l’on arrive à l’aberration suivante : c’est bien au nom de la loi « anti-gaspillage » que les gestionnaires devront peut-être mettre au rebut leurs gobelets neufs ! Nous n’entendons pas laisser faire cela.

Le second enjeu tient à la garantie d’une solution de substitution viable facilement disponible sur le marché. En effet, l’interdiction du gobelet en plastique utilisé comme emballage a posé, dès le départ, la question de son remplacement par un autre contenant qui soit « machinable » et qui puisse être fourni par l’industrie à hauteur de la demande. D’où la négociation cruciale autour de « l’échéancier » de réduction du taux de plastique dans les gobelets que NAVSA a conduite de concert avec les organisations représentants les industriels de l’emballage entre février et avril 2021. Il s’agissait en premier lieu d’assurer la pérennité de l’usage unique en distribution automatique. En second lieu, l’on devait faire en sorte que les acteurs puissent avoir le temps de s’adapter à chaque échéance. Nous avons obtenu l’un et l’autre grâce à un travail commun avec les organisations patronales de l’emballage. Si le texte est actuellement « suspendu » dans les limbes européennes, nous pouvons toutefois nous satisfaire d’avoir abouti à une telle rédaction : en effet, peu y croyaient et il a fallu une volonté de fer et une sacrée ténacité pour achever de convaincre les autorités politique du bien-fondé de nos positions. Nous verrons ce qu’en dira la Commission européenne cet été… Quoiqu’il en soit, nous sommes prêts pour affronter la suite des événements : ce texte doit survivre !

food&coffeemarkets : Comment Navsa entend peser dans le débat ?

Y.C : La Fédération est partie prenante de tout le processus de décision politique et administratif sur ce sujet – comme elle l’est par ailleurs sur les autres sujets touchant aux intérêts de la profession. Qu’est-ce à dire ? Nous nous posons en interlocuteur privilégié et indispensable des autorités publiques dans la négociation. Nous entendons également défendre envers et contre tout les positions qui nous paraissent devoir être admises par les pouvoirs publics. Cela implique un dialogue régulier avec le politique, au plus haut niveau, qu’il s’agisse du Gouvernement ou du Parlement. Un dialogue franc, direct, sans concession. Notre combat, c’est la vérité du chef d’entreprise dont nous voulons convaincre les décideurs publics. En un mot, nous sommes partout où nous devons être, et même parfois là où l’on ne voudrait pas qu’on soit… C’est ainsi que l’on pèse dans le débat. Notre mission n’est pas de faire la Une des journaux télévisés ou de la presse écrite nationale ou régionale, mais bien d’avoir l’oreille du décideur. En d’autres termes, nous travaillons dans l’alcôve car ce n’est pas dans le salon que les choses se passent…

food&coffeemarkets : Quelles sont les différentes alternatives actuelles et quelle pourrait être la meilleurs sortie de crise selon vous ?

Y.C : En l’état de l’art, la seule solution de substitution au gobelet composé entièrement de plastique est le gobelet composé partiellement de plastique. Sur ce sujet, il faut être clair : en 2021, l’industrie ne sait pas faire un gobelet sans polymères. Ni aujourd’hui ni dans trois ans. D’où l’échéancier négocié dans l’arrêté par les industriels et NAVSA et la déclaration commune que nous communiquerons bientôt aux adhérents sur le sujet. En revanche, l’industrie est capable de réduire considérablement le taux de plastique dans les gobelets : en 2021, les professionnels de l’emballage proposent ainsi des gobelets qui contiennent en moyenne 15% de plastique, soit une réduction de 85% du taux de plastique dans le produit ; d’ici 3 ans, l’effort déployé par les industriels aura abouti à une réduction de 92% du taux de plastique dans les gobelets. L’objectif est d’arriver à des gobelets contenant du plastique « à l’état de traces », ainsi que l’écrit le pouvoir réglementaire dans son projet d’arrêté. L’industrie est mobilisée en ce sens. Or cela ne se fera pas du jour au lendemain. C’est pourquoi il est important d’avoir obtenu une « clause de revoyure » dans le projet de texte, qui permettra un bilan sur l’état de l’art en 2024. Cette « clause » a été défendue à la fois par les organisations patronales du secteur de l’emballage et par NAVSA lors des négociations interministérielles. Elle est une garantie indispensable à l’avenir de notre contenant.

Quant à la meilleure sortie de crise, elle prendra la forme du maintien du texte en l’état après qu’il aura passé les fourches caudines de la Commission européenne. Dans l’idéal, il s’agira également d’avoir convenu d’une solution transitoire avec les pouvoirs publics pour assurer les entreprises, le 03 juillet prochain, du bénéfice des mesures négociées en leur faveur et figurant au texte mis à la consultation du public depuis le 26 mai…

food&coffeemarkets : Faut-il s’attendre désormais à une pression continue sur les emballages en vending ? 

Y.C. : Oui. La volonté des pouvoirs publics est claire : derrière le gobelet en plastique, c’est bien l’usage unique qui est visé. L’objectif à peine dissimulé est bien de basculer vers le « réemployable » ou le « réutilisable » comme nouveau mode de consommation… unique. Tous nos échanges, depuis deux ans, avec les décideurs publics et l’administration nous conduisent à penser que les « solutions de substitution » au plastique n’en sont pas et que tout cela est provisoire. Pour autant, doit-on se résigner ? Nous ne le pensons pas. Le rôle d’une fédération est bien d’informer la décision publique afin que celle-ci prenne la « bonne » direction. Nous nous y emploierons. Et cela n’a rien à voir avec une bataille perdue d’avance où l’on épuiserait nos forces en pure perte ! L’usage unique a un sens dans notre société et la crise sanitaire liée à l’épidémie de « covid-19 » l’a donné à voir, qui a replacé au centre de la réflexion collective les « bons gestes », les « bonnes pratiques », les « bons réflexes » en matière d’hygiène… Elle a également démontré les limites d’un modèle de société que l’on voudrait totalement « circulaire », tandis que la sécurité collective impose la prise en compte de certaines contraintes qui ne s’accommodent pas de « circularité ». S’ajoute à cela que – et nous ne le répèterons jamais assez – toute transition écologique, pour être réussie, doit être à la fois raisonnable et raisonnée. Et nous en sommes encore à l’expliquer aux décideurs publics sur un autre sujet ayant trait à l’emballage et qui ne manquera pas de poser bientôt de nouveaux problèmes à la profession…

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