D’un naturel optimiste et la foi chevillée au corps quant à la pertinence de la distribution automatique, Joachim Mendes reste toutefois lucide quant aux difficultés d’une relance de l’activité d’ici la fin de l’année 2020. Ses interrogations se portent sur le niveau de reprise et les efforts qu’il faudra demain produire pour redonner confiance aux consommateurs.
food&coffeemarkets : Comment avez-vous abordé le confinement ?
Joachim Mendes : Comme tout un chacun, nous avons brutalement dû faire face à la rapidité de la mise en place de ce confinement légitime au vu de la pandémie mondiale et appuyée par l’utilisation d’une sémantique guerrière de la part de notre gouvernement tout en s’efforçant d’être socialement apaisant.
Dès les premiers instants de ce confinement, nous avons sans délai envoyé chez eux sous le régime du chômage partiel nos personnels présentant le plus de risque face à une possible contagion au Covid-19 du fait de leur âge et/ou état de santé.
Parallèlement, nous avons cherché à communiquer avec l’ensemble de nos clients afin de connaître leur position concernant leur maintien éventuel d’activité ou leur éventuelle fermeture. Sur la première semaine nous avons essayé d’arrêter proprement les distributeurs de nos clients qui ne pouvaient pas maintenir ouverts leurs locaux lorsque cela fut possible.
Ce travail nous a permis d’établir des états prévisionnels afin de mettre en résonance nos besoins opérationnels et la chute brutale de notre activité qui s’est traduite par des pertes que nous estimons à environ 75% de notre volume normal d’activité.
Nous avons dans un même temps ajusté nos effectifs dans le cadre de ce que nous permet le législateur, encouragé le télé travail lorsque cela fut possible, et organisé la mise en activité partielle d’un peu plus des deux tiers des salariés ! Tout en conjuguant nos protocoles d’interventions avec la mise en place de mesures sanitaires comme les gestes barrières. Les premiers jours, je dois avouer qu’au-delà des considérations financières, le fait de devoir maintenir une activité tout en sécurisant au mieux nos salariés avec les moyens mis à disposition a été très anxiogène pour l’être humain que je reste. Je remercie tous ceux qui ont été volontaires et qui ont eu le courage de faire ce pas en avant lorsque ce fut nécessaire.
F&CM : Comment avez-vous passé cette période ?
J.M. : Notre réaction première a été d’appréhender les événements au jour le jour, d’adapter constamment les protocoles d’interventions dans le but de sécuriser au mieux nos personnels itinérants. Rester en contact avec nos clients et salariés confinés a été et est toujours au cœur de nos préoccupations journalières. L’information juste et la communication ad’hoc sont plus que jamais nécessaires en cette période difficile.
Continuer de garantir notre prestation de service, exercer honorablement notre métier auprès de nos clients qui par la force des choses, sont tous essentiels en cette période difficile est à mon sens ce que nous avons le mieux à faire, en attendant des jours meilleurs ou nos capacités de résilience seront la clef de voûte d’une reprise économique que j’espère pérenne pour nos entreprises.
F&CM : Que vous a appris cette crise sanitaire ?
J.M. : En tant que prestataire de service dans le secteur de la distribution automatique, nous savons déjà que la réussite de nos entreprises est intimement liée à l’intensité de l’activité économique de notre pays ; lorsque le consommateur n’est plus là, les encaissements ne se font plus. Il ne faut pas sortir d’HEC pour s’en rendre compte.
Maintenant, au niveau mondial, cette crise met un coup de projecteur sur l’interdépendance économique de nos sociétés et au risque réel d’effet papillon. Nous le vivons actuellement dans ses proportions les plus extrêmes.
Plus concrètement en ce qui concerne les offres sur les distributeurs automatiques, les premières observations laissent à penser que la sélection de produits rapide (ne pas avoir à aller dans moult menu pour sélectionner une consommation) et le paiement sans contact simple d’utilisation vont être plébiscités dans les années à venir.
Des innovations à caractère sanitaire vont sûrement faire leur apparition au catalogue des industriels de notre secteur d’activité.
F&CM : Comment abordez-vous le déconfinement ?
J.M. : Avec beaucoup de craintes ! nous pouvons être certains que, remettre en état et faire repartir proprement nos parcs de distributeurs après 2 mois d’arrêt va être une opération chronophage pour nos équipes, et coûteuse pour nos entreprises… du fait de ne pas pouvoir se projeter dans un avenir serein, il nous faut toujours espérer le meilleur, mais plus que jamais se préparer au pire.
F&CM : Selon vous les consommateurs et les clients sont-ils prêts à retourner aux distributeurs ?
J.M. : Il va falloir que les consommateurs reviennent sur nos points de distribution en toute confiance. Cette confiance, qui se gagne par gouttes et se perd par litres, est, vous le savez, une condition sine qua none d’une reprise économique vigoureuse et pérenne pour nos entreprises.
Selon moi l’enjeu est là ! nous devons le faire savoir qu’à l’heure actuelle, prendre une consommation sur un de nos distributeurs en respectant les gestes barrières ne présente aucun risque de contagion.
Cependant, pour que les clients reviennent aux distributeurs il faudrait déjà qu’ils reviennent dans un premier temps dans les entreprises…et ça, ce n’est pas gagné.
Ceux qui me pratiquent, connaissent mon optimisme, et ma foi en notre profession ! Cependant, à la sortie de cette crise sanitaire, je reste beaucoup moins optimiste : malheureusement, il y aura un avant et un après Covid-19 ! Penser qu’après le déconfinement Il y aura un retour systématique aux distributeurs serait une erreur.
La méfiance va durer pas mal de temps, et nous devrons être forts imaginatifs pour dissiper la crainte des consommateurs.
F&CM : Quelles sont vos prévisions d’activité d’ici la fin de l’année ?
J.M. : Encore une fois, le réalisme est de rigueur ! Non, les prévisions ne sont pas reluisantes. Nous concernant, nous avons réalisé pour notre entreprise, un prévisionnel sur la base d’un CA entre moins 35% et moins 40% pour l’année 2020.
Je ne pense pas que l’on soit en capacité d’imaginer un seul instant, un retour aux 100 % d’avant la crise avant la fin du printemps 2021 pour notre activité.
Nous devons prendre conscience de la situation ! Je crains que beaucoup d’entre nous n’aient du mal à se relancer ! mais je crains surtout pour notre profession qui a déjà tant été stigmatisée, et qui va continuer à l’être pendant longtemps…les chantiers à venir ne manquent pas.