Ils se dénomment Foodies, Elsy, Carot’, Popina, Basile, Mijot’, SEED La Smart Cantine, Foodles, Fraîche Cancan (ex i-lunch), Popchef, Bolk, Melchior, Totem… et développent des solutions de restauration alternative pour les entreprises tentant de grignoter une part du marché jusque-là dédiée à la restauration collective d’entreprise. Les poids lourds de la catégorie ne sont pas en reste et ont eux aussi réagi en mettant en place des alternatives comme Nestor (racheté par Elior) ou Foodcheri de Sodexo.
Si le Covid a beaucoup fait parler de lui quant à ses causes, son impact sur la population, il n’a échappé à personne que ce sont aujourd’hui les conséquences de la situation inouïe depuis près de deux ans qui pose bien des interrogations. En effet, la mise en place du télétravail, la perception du travail et de son organisation dans les mois à venir, sont désormais un des sujets dominants en termes de RH. Et l’une des conséquences concerne la pause déjeuner jusqu’ici largement dévolue à la restauration collective. Cette dernière est confrontée à la problématique du retour effectif d’un nombre moins conséquent de salariés et collaborateurs au bureau et donc d’une fréquentation plus réduite de ces derniers au sein des restaurants d’entreprise. Une réalité qui pose d’ores et déjà un questionnement sur la rentabilité future de multiples unités qui vont devoir faire face à une réorganisation plus flexible et des concepts moins lourds à gérer. La restauration collective ou concédée qui représente un chiffre d’affaires de plus de 11 milliards d’euros avec une part de marché dévolue de plus de 70% au poids lourds est désormais confrontée à un risque de désaffection des Français pour leurs cantines/RIE mais surtout à une baisse de la rentabilité des unités où le nombre de couverts quotidiens risque de baisser fortement, télétravail oblige alors que l’activité est déjà en recul depuis plus de 10 ans.
Une logique de food tech…
Cette nouvelle donne a permis à de nouveau acteurs de fourbir leurs armes autour de concepts de restauration en libre-service sans personnel. Les frigos connectés, smart food et autres solutions de restauration automatique fleurissent en effet depuis quelques années et imitent une tendance sur les Unattended Food Solutions présentes depuis 10 ans sur le marché US au travers des micromarkets et vitrines intelligentes
Cette logique de restauration nomade via des solutions autonomes, smart fridges, smart cantines ou cantines digitales, cantines automatiques associent une offre alimentaire nomade/à emporter (Food) et des technologies innovantes comme les bornes de paiement autonomes, la technologie RFID/weightsensor (Tech). Foodtech… le mot est lâché et ces offres séduisent les consommateurs ou convives au bureau.
Ils y retrouvent un cocktail de solution alimentaires simples, gourmandes, healthy associées à une expérience utilisateur des plus fluides autour du principe du pick & go. Je choisi mon plat/menu je paie via mon compte, ma carte bancaire ou titre restaurant dématérialisé. Plus encore le lieu de restauration est directement sur le lieu de travail, au bureau. À ce libre accès répond aussi la logique de flexibilité des horaires. Autrement dit au flex office et flex working répond aujourd’hui la flex-food.
Accessible et équilibré
Cette liberté d’usage s’accompagne également d’une logique de bien manger. La grande majorité des nouveaux venus insistent lourdement sur des cartes associant des bons petits plats à des logique de repas équilibré et des produits healthy. Car il incombe de permettre une alimentation saine et respectueuse de l’environnement. La Foodtech ne propose pas de la junk food. Plus encore la contrainte du prix restant aussi liée à la restauration d’entreprise, ces nouvelles cantines connectées entendent permettre au plus grand nombre de se restaurer. Ainsi Bolk (cf F&CM 64 / mars 2021) et son fondateur Nicolas Jeanne propose un robot automatique qui laisse le convive composer son plat ou sa salade au moment avec des ingrédients ultra frais et pour un prix autour des 6 à 7 €. L’ensemble des acteurs présents déclinent eux aussi des offres de plats/menus autour de 5 à 8 euros.
Chacun entend conquérir une part d’estomac
Ce nouveau marché est aussi l’occasion pour des acteurs de l’industrie agroalimentaire et de la rapide de venir challenger la restauration au bureau avec des concepts associant des matériels et leurs gammes de produits nomades ou vente à emporter. L’enseigne Picard a développé depuis près de trois ans son Snackbar, un DA délivrant et réchauffant ses best-off de plats individuels surgelés. L’enseigne a révélé que ce sont à date près de 200 unités qui ont été déployées. Mais Picard n’est désormais plus le seul. En effet, Marie (groupe LDC) vient de dévoiler son frigo connecté permettant de retrouver l’ensemble de sa gamme de plats et recettes nomades au bureau. Son frigo connecté propose une logique entrée/plat/ dessert au choix. Une approche directe qui lui permet de mettre un pied en entreprise et capter un marché ou la marque était quasi absente jusqu’ici. La rapide y voit aussi un moyen de mettre un pied au bureau de manière directe et autrement que par la livraison. Ainsi Class’Croute il y a un an et aujourd’hui Exki, proposent leurs frigos intelligents délivrant leurs offres présentes aujourd’hui dans leurs unités de restauration healthy & rapide. La pause restauration intéresse aussi de près certains acteurs historiquement présents dans les bureaux à savoir les opérateurs de la distribution automatique. Certains y voient eux aussi l’opportunité d’y développer une proposition additionnelle et complémentaire à leurs offres. Ainsi Selecta avec son enseigne Foodies (déjà présente au UK, en Espagne, Italie et Nord de l’Europe) entend désormais l’implanter sur le marché français. Le groupe Merling quant à lui a développé Popina (cf article dans ce numéro) une offre de restauration connectée dédiée au bureau, La France emboite le pas des marchés anglo saxons et particulièrement US.
Outre Atlantique, Le marché des « Unattended Food Solutions » est déjà plus mature et continue sa croissance au travers de kiosks, frigos, micromarchés… Il représente déjà plus de 15% du global marché dévolu anciennement aux vending machines.
L’arrivée de ces offres et concepts nouveaux pour le marché français, laisse donc présager un développement multi-acteurs, accéléré par la situation post Covid. La bataille autour de la pause déjeuner a commencé. Preuve en est les récentes levées de fonds chez certains intervenants (30 millions chez Foodles, 4 millions chez Bolk, 5 millions chez Fraîche Cancan…) qui dénotent une volonté de conquérir rapidement des positions en sortant du marché parisien qui concentre jusque qu’ici la majeure partie de ce nouveau marché. Les CAPEX sont aussi un moyen de prendre des parts de marché mais le modèle économique va devoir s’affiner rapidement pour construire une rentabilité à moyen terme.