Une fin d’année 2022 sous haute tension

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Après un premier semestre difficile dédié à la reprise économique et le retour des salariés au Travail, il apparaît que le second semestre 2022 sera lui aussi tout aussi compliqué pour le secteur de la distribution automatique et de l’OCS. En ce début de congés estivaux, la Fédération professionnelle NAVSA – représentée au sein de la cellule de crise gouvernementale – a réuni le 30 juin dernier ses adhérents pour une réunion d’information et d’échange. NAVSA souligne le fait que la fin d’année reste préoccupante et appelle une extrême vigilance de la part des chefs d’entreprises. Voici quelques éléments de conjoncture issus de cette réunion que la Fédération a acceptés de communiquer à l’ensemble des Professionnels du secteur et que F&CM vous retranscrit ci-après à la suite d’un entretien avec Yoann Chuffart, le Directeur Général de NAVSA :

Pas de nouveau « Quoi qu’il en coûte »

C’est aujourd’hui la position claire du Gouvernement exprimée ces dernières semaines aux Organisations patronales et que NAVSA a confiée à ses adhérents. Le Ministre de l’économie, Bruno Le Maire, entend, compte tenu du contexte économique ne pas ouvrir la voie à des mesures de soutien des secteurs en crise. Le Chèque inflation ou le chèque alimentaire seront parmi les mesures phares du Gouvernement en soutien aux ménages les plus démunis face à la crise et à la flambée des prix. 

L’inflation devient une cause d’arbitrage alimentaire

Frisant déjà les 6% sur les 12 derniers mois, l’inflation est prévue entre 7 et 8 % en fin d’année (il s’agit de l’inflation sur les prix à la consommation). Une pression sur les prix qui conduit aujourd’hui une partie des Français à opérer des arbitrages sur les biens de consommation courante, ainsi que l’explique NAVSA suivant les échanges remontés avec les Enseignes. En GMS, l’achat de produits alimentaires siglés « MDD » et de produits dits « premier prix » sont en hausse (+20%). Une situation problématique pour l’activité de distribution, aggravée par les difficultés d’approvisionnement en matière première qui conduisent les industriels à modifier leurs recettes, suscitant la méfiance des consommateurs et les réactions que NAVSA a exposées dans le détail à ses adhérents. Une situation alarmante qui fait désormais parler « d’alimentation à deux vitesses ». Ainsi une certaine partie de la population peut encore avoir accès à des produits de marque de meilleure qualité nutritionnelle tandis qu’une autre partie de la population doit désormais se reporter sur les produits « premier prix », de moindre qualité nutritionnelle. Cette situation est problématique pour les industriels comme pour les distributeurs alors même que le chèque alimentaire débattu à l’heure actuelle aurait non seulement pour but d’aider les Français les plus pauvres à faire face à la crise mais aussi de les inciter à consommer des produits de meilleure qualité, locaux, bio… Ce qui se passe en GMS doit donc attirer l’attention : la consommation des ménages évolue vers une logique d’arbitrage, conclut NAVSA, laquelle pourrait à court terme s’appliquer au secteur de la distribution automatique, le café au bureau pouvant lui aussi devenir une dépense « non essentielle ».

La crise énergétique va continuer à impacter le secteur

Dans un contexte de crise énergétique majeure liée dans un premier temps aux répercussions de la crise « Covid » et désormais au conflit entre la Russie et l’Ukraine, les professionnels de la gestion comme les industriels ne peuvent que constater l’impact sur les prix à la pompe et, plus généralement, sur les factures énergétiques. Avec la forte mobilité induite par la période estivale, on avance l’éventualité de pénuries ponctuelles de carburant, suivant une rupture brutale entre l’offre et la demande sur les marchés mondiaux. Et le niveau particulièrement élevé des prix des carburants reflétant les cours du gaz et du pétrole n’est pas attendu à la baisse dans les prochains mois, pour des raisons diverses qu’a détaillées NAVSA lors de la réunion. Cette situation impacte non seulement le secteur de la logistique dont est dépendant la distribution automatique mais aussi directement le quotidien des acteurs du vending au travers de la gestion de leur parc de véhicules et du coût de gestion des derniers kilomètres.   

Les IAA en difficulté

Si la hausse de l’inflation des prix à la consommation frise les 6% sur les 12 derniers mois, il est aujourd’hui entendu que les hausses des prix des matières premières industrielles et agricoles sont quant à elles bien plus importantes et conduisent les IAA (Industries Agro-Alimentaires) à des répercussions inédites et jamais vues depuis plus de 15 ans. Pour les IAA, la hausse de leurs tarifs est un enjeu de pérennité de l’activité, souligne NAVSA d’après les échanges rapportés entre les différentes fédérations du secteur. Et il ne faut pas oublier que le marché est à l’heure actuelle composée à 98% de TPE/PME. Le président de l’ANIA a du reste récemment signifié son inquiétude quant à la capacité du secteur à passer la crise. A fin juin, la GMS constate la disparition d’un rayon sur dix en raison des ruptures d’approvisionnement, rapporte NAVSA. En amont, la filière agricole, dont NAVSA relaie le message, est confrontée à des évènements climatiques inédits (sécheresse, orages, grêle…) dans un contexte où les marges de production demeurent extrêmement faibles et pointe le risque d’une crise agricole majeure à court terme avec des réductions ou des ruptures de production, des tensions sur les approvisionnements, voire le risque important de faillites pour un nombre non négligeable d’exploitants. Tout au moins faut-il d’ores et déjà s’attendre, suivant les informations de la Fédération, à une limitation volontaire de certaines productions, les exploitants ne souhaitant pas prendre le risque de travailler à perte. Hausse des prix des matières premières, risque de pénuries… la distribution automatique est donc directement concernée . Le café, les snacks, les boissons rafraîchissantes connaissent des augmentations fortes voire répétitives. La pénurie d’ingrédients au niveau européen ou l’envolée des cours des matières premières (café avec une hausse de plus de 100% des cours sur les 12 derniers mois, blé tendre +70% en 12 mois) pourrait conduire à des périodes de rupture sur certaines références.  

La question de la hausse des salaires est posée.

La situation d’inflation pèse sur le pouvoir d’achat et pose donc la question de la hausse des salaires. Le SMIC a déjà été réévalué une première fois en mai dernier, induisant la réouverture des négociations dans les Branches professionnelles. Le secteur de la distribution automatique n’échappe pas à la règle. La fédération NAVSA fait partie de la Délégation patronale des commerces de gros qui négocie, au niveau national, avec les Organisations syndicales de salariés (OSS) tout ce qui a trait à la convention collective 3044 (plus de 20 000 entreprises et 360 000 salariés) qu’appliquent tous les gestionnaires de France et qui détermine, en particulier, les salaires minimums auxquels sont tenus les chefs d’entreprise. Les attentes des organisations représentatives des salariés sont fortes et adossées à l’évolution de l’inflation attendue en fin d’année. Les négociations sont extrêmement tendues, explique Yoann Chuffart, qui entend « rester ferme afin de limiter l’impact des augmentations demandées tout en faisant une proposition acceptable ». Les négociations de la grille salariale sont un enjeu réel pour les professionnels dans la mesure où, une fois l’accord signé, celui-ci s’impose à tous les chefs d’entreprise, adhérents et non-adhérents aux fédérations patronales. Les enjeux sont nombreux, détaille NAVSA : le jeu des coefficients entre les différents niveaux de la grille est, par exemple, un sujet essentiel dans la mesure où une forte revalorisation des premiers niveaux de la grille induit automatiquement des revalorisations encore plus importantes sur les catégories intermédiaires et supérieures. C’est une vraie problématique pour la Branche, qui se pose encore plus en période de tension inflationniste, et que la Délégation patronale entend réfléchir dans les mois à venir. Les précédentes négociations ayant abouti à une impasse, les revendications des organisations syndicales sont particulièrement fortes pour la fin d’année. Les négociations de Branche constitue donc un rendez-vous essentiel pour la Fédération et tout ce qui s’y joue concerne aussi bien les adhérents que les non-adhérents (exclus des débats, par la force des choses) : à noter que les non-adhérents voient, de par la loi, leur situation compliquée du fait qu’ils appliquent les accords àl ’extension, c’est-à-dire plusieurs mois après leur conclusion, et doivent ainsi effectuer – par exemple – les « rattrapages nécessaires » lorsque cela s’impose. La fédération implique d’ailleurs ses adhérents dans les réflexions de la Délégation patronale : un séminaire social de Branche, organisé par la Confédération des Grossistes de France (CGF, ex-CGI, qui chapeaute la Convention collective au sein de la Délégation patronale), s’est tenu le 05 juillet avec les chefs d’entreprise, DRH et RH volontaires, issus de tous les secteurs de la Branche, afin d’élaborer avec les professionnels et en commun des propositions sur la rémunération directe et indirecte des salariés, dont la Délégation patronale pourra se saisir et faire valoir au niveau national lors des négociations aves les Syndicats. Il incombe aussi aujourd’hui au travers des négociations salariales de répondre aux besoins des professionnels en termes d’attractivité des métiers dans un contexte de tension à l’embauche mais également de maîtrise des coûts salariaux afin de pérenniser l’activité. 

La pression sanitaire de retour ?

Les dernières semaines laissent apparaître une nouvelle vague de Covid avec une très forte reprise des contaminations. La crise Covid n’est pas terminée et le gouvernement entend prolonger l’état d’urgence sanitaire avec des possibilités de restrictions des entrées sur le territoire ou vers les DOM TOM. La question d’actualité reste aujourd’hui, suivant les échanges que NAVSA a avec les fédérations du milieu de la Santé, le risque de rupture capacitaire (pour des raisons complexes développées lors de la réunion) en cas de nouvelle vague alors que le secteur hospitalier est soumis à une extrême tension. Plus encore, une nouvelle interrogation émerge – dont NAVSA se fait le porte-parole au niveau confédéral – avec la diffusion en Europe – et particulièrement en France –  de la « variole du singe » et le triplement des cas au cours des deux dernières semaines en Europe. Ce sujet a été lui aussi développé au cours de la réunion et mérite la plus grande attention de la part des chefs d’entreprise, tant les conséquences d’une épidémie de variole pourraient être terribles – aussi – sur le plan économique. Le contexte sanitaire pose donc d’importantes questions quant à l’appréhension de la future rentrée de septembre.

Conclusion 

« L’anticipation est, plus que jamais, de mise »

C’est le constat que dresse la Fédération NAVSA, par le biais de son Directeur Général Yoann Chuffart, qui insiste sur la nécessité de rester extrêmement attentif et, surtout, proactif : « La fin d’année s’annonce difficile. Le contexte doit inciter à l’anticipation afin de ne pas faire que subir la situation économique qui se dégrade de plus en plus » a-t-il affirmé lors de la réunion fédérale sur les conséquences économiques et financières de la crise russo-ukrainienne.Si la fédération entend plus que jamais jouer son rôle dans son champ de compétence, Yoann Chuffart insiste sur la nécessité que chaque professionnel du secteur initie « des anticipations positives », fort de la connaissance des enjeux actuels tels qu’ils lui sont exposés par la Fédération. NAVSA s’emploie elle-même à anticiper et tient son rôle dans le processus de décision publique, en plus d’informer les professionnels en temps réel au travers d’une veille et d’une analyse systématique au plus proche des problématiques du métier. « Nous sommes mobilisés, nous avons engagé le dialogue avec les nouveaux pouvoirs publics et nous allons accélérer maintenant que les choses sont en place dans les institutions. Nous sommes aussi en veille permanente afin de peser dans le débat et, surtout, de d’être partie prenante de toutes les décisions susceptibles d’impacter les professionnels du secteur, suivant l’idée qu’ils n’ont pas à subir : nous sommes leur voix auprès du Gouvernement et du Parlement » conclut-il.


Vous recevez cette note de conjoncture en qualité de professionnel du secteur de la distribution automatique. Cette première note semestrielle est issue d’une collaboration de la Fédération NAVSA et le magazine F&CM. Pour plus d’information www.navsa.fr