Une nécessité d’un redéploiement urgent, un redressement de l’activité à marche forcée… Les deux années que vient de connaître le leader du vending en Europe laissent certains médias suisses perplexes

Alors que la société affiche son nouveau slogan « Joy to Go » sur l’ensemble de ses communications et enregistre sur le dernier trimestre un redressement de son activité et de son Ebitda, la presse suisse souvent bienveillante par le passé sur son champion national et européen, semble quelque peu revenir sur les pratiques mises en place depuis la reprise de main de KKR. Au sein d’un article aux punchlines directes, l’Aargauer Zeitung (Groupe CH Media) semble remettre en cause les pratiques managériales et les orientations prises par Selecta. Intitulé « On se croirait dans Squid Game » le support de presse suisse explique qu’après avoir interrogé des cadres anciens ou actuels de Selecta il apparaît que l’atmosphère suite à l’arrivée du nouveau tandem composé de Joe Plumeri et Christian Schmitz à la tête de Selecta se soit peu à peu dégradée passant de l’enthousiasme à une tension permanente devant les objectifs et les pratiques managériales mises en place. Le journal suisse explique que le duo Joe Plumeri – légende de Wall Street et Christian Schmitz, manager allemand en pleine ascension ayant redressé les célèbres guitares Gibson, ont une mission claire, à savoir redresser l’entreprise qui avant Covid affichait un chiffre d’affaires de 1,4 milliards de francs suisse et qui à la sortie de la pandémie n’en n’a retrouvé qu’un milliard soit un recul de près de 30%. Une logique nécessaire, d’autant plus que Selecta ne se trouvait déjà pas en grande forme avant la pandémie et avait dû abandonner une entrée en bourse faute de rentabilité suffisante. 

Selecta est en re-fondation. Une période de transition se traduit par un changement de modèle

De fait le Aargauer Zeitung dissèque la stratégie mise en place par la nouvelle direction et la résume par une baisse rapide des coûts et la recherche d’une rentabilité à court terme. Concrètement, la masse salariale de Selecta s’est fortement contractée, la société qui comptait 10 200 employés à leur arrivée n’en compte désormais plus de 6800. Des mesures drastiques dévoilées par un autre journal « Finanz und Wirtschaft « qui s’expliquent par le fait que Selecta était « menacée de faillite », KKR ayant notamment été obligé d’injecter 175 millions d’euros pour une poursuite de l’activité. Cette réduction des effectifs se traduit aujourd’hui selon l’article par une énorme pression sur les collaborateurs et le départ de bon nombre des meilleurs éléments. Une atmosphère décrite comme déplorable avec des licenciements sans préavis, ce qui fait un parallèle avec la série sud-coréenne de Netflix Squid Game ou les participants sont « remerciés » les uns après les autres. Une attitude confirmée par Christian Schmitz lui-même qui a reconnu dans un entretien avec CH media, « un taux de fluctuation très élevé et qui est voulu ». Ce dernier ayant pour mission de transformer une entreprise en difficulté en peu de temps, reconnaît devoir agir rapidement » et se définissant comme `n’étant pas un homme de compromis ». Et il faut dire que ce dernier ne ménage pas sa peine et s’investit en permanence dans le quotidien de Selecta motivant et challengeant les collaborateurs. Car si certains décrivent un management par la peur, d’autres s’investissent aussi fortement dans le redressement de la société. Plus encore près de 170 collaborateurs dont le duo à sa tête, disposent d’un intéressement ce qui peut aussi manifester la volonté de redressement et de transformation menée au pas de charge.

Que peut-on en conclure ? 

Les critiques à peine voilées à la lecture des différents points soulevés, font surtout apparaître deux choses. La première reste l’urgence de la situation à laquelle a été confrontée la nouvelle direction mise en place il y a un peu plus de deux ans par l’actionnaire majoritaire KKR. Face à un risque de faillite, il a fallu « dégraisser le mammouth » mais également travailler sur la rentabilité à court terme. Que constate-t-on aujourd’hui ? La reprise après Covid laisse apparaître un net recul du chiffre d’affaires mais il semble que Selecta ait aussi souhaité restructurer son parc et abandonner clairement les sites et clients non rentables.  La structure des achats s’est également axée sur une négociation dure et permanente avec les principaux fournisseurs du marché. Plus encore Selecta déploie désormais une stratégie globale baptisée « One Selecta » centrée sur une vision assumée de transformation de modèle économique et d’élargissement de marché. Si la distribution automatique a constitué son principal cheval de bataille durant des décennies, la firme de Zoug mise désormais sur les solutions de restauration alternatives, à savoir les micromarkets et les vitrines connectées. Bref, aux collations traditionnelles proposées par les machines de vending, Selecta entend introduire des offres de restauration nouvelles et contemporaines au bureau. Une approche centrée sur les produits frais de snacking sous la marque Foodies et qui doivent constituer à moyen terme un relai de croissance et surtout une source de rentabilité bien différente. Une orientation assumée et promue sur l’ensemble de ses marchés. Et de fait, ce sont d’ores et déjà 900 solutions qui sont déployées en Europe. Les vitrines connectées et micromarkets Foodies sont donc le cheval de bataille de Selecta qui entend faire en sorte que ces solutions deviennent majoritaires vis-à-vis du vending à terme. Une stratégie volontariste semble-t-il assumée qui soulève à n’en pas douter des interrogations à la fois en interne mais également dans les médias, ce qui peut expliquer les derniers articles assez sévères parus dernièrement. Les réticences au changement sont toujours fortes. Si le redressement semble brutal, il n’en reste pas moins que Selecta comme sa direction sont aujourd’hui condamnés à la réussite, la volonté de KKR et des créanciers qui ont dû accepter une renégociation étant sûrement de garantir un retour sur investissement à la hauteur des efforts consentis pour accompagner le redressement du leader du vending en Europe. Force est de constater que les derniers chiffres communiqués par la firme de Zoug laisse apparaître une embellie en termes de rentabilité à court terme… il reste néanmoins à savoir si ce redressement sera pérenne.